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Une envie de livres ?

15/12/2008

Vous, moi et les livres

Aimez-vous les livres ? Quel rapport avez-vous avec les livres ?

Puisque j'ai commencé à faire un sort aux bibliothèques, venons-en au meilleur à présent. Dans je ne sais plus quel manuel de méthode de travail pour les étudiants en histoire, feuilletée lorsque j'étais étudiante, il était expliqué que l'historien ne lit pas un livre - d'histoire - dans un fauteuil profond, seul avec son livre, mais qu'il doit lire avec un crayon et un papier à la main. Ce qui est vrai, pour noter les idées essentielles, ou les réflexions que font naître la lecture. N'empêche que la bibliothèque de mes rêves, je ne l'imagine pas sans un fauteuil profond et confortable. Juste pour pouvoir de temps en temps, par pur plaisir, sans besoin lié au travail, prendre en main mes livres préférés, ceux de Marc Bloch ("ah, mes Rois thaumat' !"), de Lucien Febvre (Le problème de l'incroyance au 16e siècle), de Fernand Braudel (sa merveilleuse Méditerranée), Jean Delumeau, Pierre Goubert (Louis XIV et ses 20 millions de Français), Arlette Jouanna (Le devoir de Révolte, Le goût de l'archive), François Furet, Paul Veyne, ou Jacques Le Goff, et j'en oublie mille autres, ceux qui me font rire et pleurer.

Certains préfèrent les beaux livres, les reliures anciennes. J'avoue mon indifférence à la reliure, preuve que je suis une sauvage. Mais l'odeur d'un livre neuf, tourner délicatement des pages que l'on sépare pour la première fois, dévorer comme une gourmandise le texte qui fait exploser mille idées en tête...
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11/12/2008

L'historien et les livres


Il y a au moins un point commun entre les historiens, c'est l'amour des livres. Bon en tout cas, le besoin des livres, je vais essayer de ne pas prendre mon cas pour une généralité.

C'est même un des sujets de conversation les plus fréquents. Non pas "et celui-là, tu l'as ?", parce que c'est censé aller de soi - aïe, aïe, aïe pauvre de moi, qui n'ai ni la place ni l'argent - mais "et toi, comment fais-tu ? Moi je ne sais plus les mettre, ça déborde du bureau" - n'imaginez pas qu'il s'agisse là d'un meuble, mais de la pièce entière, qui est doublée de livres, remarquez, c'est un isolant comme un autre... Un peu comme les économistes, sociologues des universités ou grandes écoles parisiennes, interrogés par les journalistes : ça donne une pièce où sont empilés jusqu'au plafond les livres, dans un ordre connu seul du propriétaire, et dans lequel personne n'est assez fou pour s'aventurer faire un brin de ménage.

Alors mon rêve c'est ça... Une pièce uniquement à moi, meublée de livres, avec de jolies boiseries quand même, on n'est pas des sauvages, et un bureau qui trône au milieu. Et puis l'échelle pour attraper les ouvrages tout là haut ! Et puis des étagères plus profondes, pour les ouvrages d'histoire de l'art, avec double épaisseur d'étagère pour supporter le poids.

Pendant longtemps j'ai rêvé de la bibliothèque des romans de la comtesse de Ségur, la bibliothèque classique des belles demeures du 19e siècle, celle qui sert de cadre à certaines scènes d'Après la pluie, le beau temps... J'ai rêvé aussi de la Vallée aux loups, de Châteaubriand, je m'étais imaginée dans la petite tour au fond du parc, un lieu idéal pour lire et vivre. Mon côté misanthrope, sans doute.

Tiens, en attendant, je pourrais toujours m'en créer une, de bibliothèque, ici...

Mais si de généreux donateurs sont prêts à se manifester, je ne saurai refuser ! (Comment ça, j'abuse?)
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28/11/2008

Le bleu, le noir et les étoffes du diable





















Bronzino, Portrait d'un jeune homme, v. 1540,
huile sur bois, 96 x 75 cm, Metropolitan Museum of Art, New York



Voici une gourmandise qui vient de sortir en librairie, si vous ne l'avez pas encore repérée (oui, les vitrines des librairies sont pour moi depuis très longtemps bien plus alléchantes que celles des pâtisseries) : "Le noir, histoire d'une couleur" de Michel Pastoureau: longtemps couleur à part entière en Occident, puis en déclin avec la nouvelle classification des couleurs à partir du 16e siècle, elle revient en force au 19e siècle.

Couleur de deuil, couleur de l'austère sobriété espagnole des 16 et 17e siècles (ah, L'homme au gant de Titien, mieux encore mon Portrait d'un jeune homme, de Bronzino, en vignette, là-haut, il me fait pleurer celui-là), couleur du sérieux masculin du 19e siècle (pensez au vêtement noir de Monsieur Bertin, d'Ingres, allez voir là, cherchez Ingres, Monsieur Bertin...).

L'auteur, Michel Pastoureau, est naturellement historien (directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études et à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, l'EHESS), spécialiste de l'histoire des couleurs (aaaah son "Bleu", qui avait fait sensation à sa sortie en 2000 !), des emblèmes et des symboles.

Je me souviens avoir trouvé en parcourant les rayons, son Étoffe du Diable, un livre fabuleux sur les significations attachées aux rayures en Occident: qui ne se souvient pas du gilet à rayure du maître d'hôtel du capitaine Haddock ? Car les rayures ont longtemps été symboles de servitude, voire symbole de folie: les carmes ont provoqué le scandale à partir du milieu du XIIIe siècle, à cause de leur manteau rayé, "barré", or les barres désignent en ancien français non seulement les rayures mais est aussi en langage héraldique le signe de la bâtardise...


Depuis les années 1960, les historiens se sont ouverts à ce qui a d'abord été appelé "l'histoire des mentalités", avant d'être intégrée dans une très large, très vaste histoire culturelle, définie comme une « histoire sociale des représentations » (Pascal Ory). Histoire des institutions et des politiques culturelles, des représentations et des moyens d'expression du pouvoir, histoire des médias et de la culture médiatique, histoire des symboles, histoire des sensibilités (histoire des façons de manger, de s'habiller, histoire de l'imaginaire, des odeurs, des sons, etc), histoire de la mémoire,
bref, l'histoire du Bleu, et celle du Noir sont des fleurons des plus belles études historiques européennes d'aujourd'hui...
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13/11/2008

BNF : bientôt la fin des réceptions sur le pouce ?

Vous savez quoi ? J'ai reçu une réponse de la BNF à propos de ma glissade sur l'esplanade détrempée... Je n'y croyais pas (plus).

"Madame,

Vous avez bien voulu attirer notre attention sur une chute dont vous avez été l'objet sur l'esplanade de la bibliothèque et sur les dangers d'y circuler à pied, et nous vous en remercions.

Nous comprenons votre inquiétude et parce que nous la partageons, nous sommes actuellement en cours d'élaboration d'un projet destiné à améliorer la lisibilité et l'accessibilité des entrées en bâtiment. Ce projet qui sera réalisé durant l'année 2009 permettra aux usagers de trouver sans peine et sans danger l'entrée de la BNF, quelles que soient les conditions climatiques".

Il est question d'un chemin sécurisé "qui mènera le public des abords du site aux portes à tambour situées au pied des travélators" avec un revêtement parfaitement antidérapant... Le bonheur avec des bulles... Je vais pouvoir ranger ma coquille de Caliméro, pour cette fois!




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11/11/2008

11 novembre 2008, 90 ans après.


J'ai un attachement particulier pour ce jour-là, pour la Grande Guerre comme on l'a appelée. Peut-être parce que je pense alors à mon grand-père maternel, et aussi à mon grand-père paternel, qui ont chacun vécu la guerre très différemment et pas exactement comme les autres fantassins.

Fait du hasard, mon grand-père maternel est le seul de mes grands-parents à avoir vécu assez vieux pour que je le connaisse, même s'il est mort quand j'avais deux ou trois ans. Curieux pour un homme qui a failli être réformé, et qui a finalement servi comme infirmier, car "il avait la santé trop fragile" pour être soldat à proprement parler. On lui a toujours dit qu'il ne vivrait pas bien vieux.
Comme tant d'autres, il "n'en parlait jamais". Pourtant comme infirmier, il a dû en voir.
Mon autre grand-père, lui, a vécu la guerre sans tout à fait la faire: lui et ses camarades ont été faits prisonniers en 1914 dans le train qui les emmenait au front. Quatre ans de captivité. Une chance finalement, à un moment où la vie des pigeons voyageurs et des chevaux était plus précieuse que celle des hommes.

Pendant ce temps, ma grand-mère maternelle "qui n'était jamais passée entre deux chevaux" a dû apprendre à les atteler, et a dû faire les labours, et les récoltes... "Comme un homme!"


Folie des hommes. Mais on ne peut qu'être heureux des évolutions de l'historiographie qui nous permettent de savoir autre chose de celle que l'on a en vain rêvée comme la Der des Der, que les batailles. Des années 1970 à aujourd'hui, une multitude de travaux d'historiens a permis d'en savoir un peu plus sur le quotidien de ces hommes-là, dans la boue, la neige, la pluie et le froid, le cagnard, les tranchées, les puces et les rats, les bombes et le reste. Sur le quotidien de l'arrière, la propagande, la "brutalisation" de la société pour reprendre la formule de George Mosse. Si le sujet vous intéresse, commencez par ceci (un résumé historiographique de l'académie de Grenoble) ou cela (une présentation de l'ouvrage de réflexion sur l'historiographie de la Grande Guerre, par A. Prost et J. Winter, Penser la Grande guerre)
S'il y a un jugement un jour, je n'aimerais pas être à la place des grands officiers de 14-18. Même les animaux devraient être là pour les accuser.

Grâce à J.-J. Becker, on sait que les soldats ne sont pas partis la fleur au fusil, bien loin de là, à G. Pedroncini, que les "mutins" fusillés n'ont pas dans leur immense majorité refusé de se battre, quoiqu'en ait suggéré la récupération politique ultérieure.

Car entre les lamentables affirmations sur l'air "On nous cache tout on nous dit rien" des acteurs du film Indigènes de Rachid Bouchareb (selon lesquels on aurait caché le rôle des Indigènes pendant la guerre, z'ont pas dû être assidus en cours au collège ou au lycée ceux-là...), les récupérations politiques en tout genre de la Grande Guerre, il vaut mieux laisser de côté la plupart des commémorations officielles et se plonger dans de bons livres... Et aller visiter par exemple Douaumont (enfin, un autre jour) pour les photographies en 3D des tranchées...


À lire pour eux, pour qu'ils vivent dans nos mémoires:
* Barbusse, Le feu, 1917
* Dorgelès, Les croix de bois, 1919
* Genevoix, Ceux de Verdun, 1916-1921
* Norton Cru, témoins, 1929.

À voir ou à revoir,
Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick. Non pas document, mais évocation brillante des supposés mutins...


À lire ou à écouter l'intéressante interview de S. Audouin-Rouzeau (historien) et de Jean Rouaud (romancier) dans Télérama sur la difficile évocation de la Grande Guerre.

À tous ceux qui liront ce billet, pourriez-vous indiquer en commentaire comment dans votre famille 14-18 a été vécue ? Vos grands-parents, arrière-grands-parents, hommes et femmes... Merci...
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06/11/2008

Élections américaines 2008, entre propagande et information

Dans les discours et les images qui ont accompagné la présentation médiatique de la campagne électorale américaine, il y a des choses que l'on relève nécessairement, lorsque l'on a une petite formation à la critique...

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la présentation biographique de Barack Obama que les journaux télévisés français reprenaient tous, il y avait les mêmes images (photographie de son père, image en arrière-plan d'une femme d'Hawaï en train de danser - rigolo le stéréotype, d'ailleurs... -, la photographie de sa mère, celle de Barak enfant avec son beau-père et ses demi-frères et soeurs indonésiens, celle de ses grands-parents américains blancs), le même résumé. "Bizarre, vous avez dit... bizarre"

Bref à se demander "mais d'où viennent donc ces images?!"... ce qu'aucun journal n'a dit... Je vois bien une vidéo livrée clé en main par les responsables de la campagne d'Obama, moi... Et personne ne s'est posé la question de la construction de sa biographie, avec des matériaux réels, là n'est pas la question, je ne soupçonne pas en soi de déformation de la réalité, juste de... hummm, voyons voir, comment appelle-t-on cela déjà ? Ah oui, propagande... Que les journalistes de la télévision, reprennent sans oeil critique. En même temps l'absence de regard critique, l'incapacité des journalistes à citer leurs sources (pourquoi pas un bandeau en bas d'écran indiquant l'origine de ces images) est un peu la raison pour laquelle je ne regarde plus ces journaux, sauf quand je cherche justement de l'image de propagande ou à regarder le travail des journalistes. Et généralement, il y a de quoi s'amuser à la télévision !


******

Je fais taire ma langue de vipère, et je vous propose quelques livres, écrits par des spécialistes, pour saisir l'occasion des élections pour réfléchir sur les États-Unis au 20 siècle et en ce début de 21ème siècle.

Les États-Unis au 20e siècle ne sont en rien dans mon domaine de spécialisation, mais un historien qui n'est pas curieux de tout, y compris de son temps ne peut être qu'un mauvais historien.



Si l'élection de mardi dernier vous intéresse, si vous désirez en savoir un peu plus sur l'Amérique au 20e siècle et en ce début de 21e siècle, pour comprendre ce qui se dit, ce qui se joue, voici quelques références essentielles qui permettront de comprendre ces évènements qui ont suscité autant d'émotion...


André Kaspi est professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université de Paris I et directeur du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA). C'est un des "maîtres" sur la question des États-Unis.

Jacques Portes est, depuis 1995, professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université de Paris 8 Vincennes-Saint Denis.

Olivier Zunz est professeur à l'Université de Virginie (et un de mes auteurs préférés sur la question).

Nicole Bacharan est diplômée de l'IEP de Paris et de l'université de Paris I, elle est également chercheur associé à la Fondation nationale des sciences politiques, spécialiste de la société américaine et des relations franco-américaines.

Claude Folhen est historien, spécialiste de l'Amérique du Nord, et il a occupé pendant plus de vingt ans la chaire d'histoire américaine à la Sorbonne. Il peut être considéré comme le père de cette discipline.


Ouvrages généraux

A. Kaspi, Les Américains. Les États-Unis de 1607 à nos jours , 2 vol., Paris, Le Seuil, « Points-Histoire », 1986, rééd. 1998.

J. Portes, L'Histoire des États-Unis depuis 1945 , Paris, La Découverte, 1992 ; Les États-Unis au XXe siècle , Paris, Armand Colin, 1997.

O. Zunz, Le Siècle américain. Essai sur l'essor d'une grande puissance , Paris, Fayard, 2000 (à paraître en avril) (traduction en français de Why the American Century , University of Chicago Press, 1998).

Sur l'immigration

J. Brun, America ! America ! Trois siècles d'émigration aux États-Unis (1620-1920) , Paris, Gallimard/Julliard, « Archives », 1980.

R. Ertel, G. Fabre et É. Marienstras, En marge. Les minorités aux États-Unis , Paris, François Maspero, 1971.

Cl. Fohlen, La Société américaine, 1865-1970 , Paris, Arthaud, 1973.

N. Green, Et ils peuplèrent l'Amérique , Paris, Gallimard, « Découvertes », 1994.

A. Kaspi, La Vie quotidienne aux États-Unis au temps de la prospérité, 1919-1929 , Paris, Hachette Littératures, 1980, rééd. 1993.

Y.-H. Nouailhat, Évolution économique des États-Unis du milieu du XIXe siècle à 1914 , Paris, Sedes, 1982.


Sur la question noire

N. Bacharan, Histoire des Noirs américains au XXe siècle , Bruxelles, Complexe, 1998.

F. J. Davis, Who is Black ? Our nation's Definition , Pennsylvania University Press, 1991.

M. Fabre, Esclaves et planteurs dans le Sud américain au XIXe siècle , Paris, Gallimard, 1970.

C. Fohlen, Les Noirs aux États-Unis , Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1994.

G. Kepel, A l'Ouest d'Allah , Paris, Le Seuil, 1994.

Sur la religion aux États-Unis

J.-Cl. Bertrand, Les Églises aux États-Unis , Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1975.

J.-P. Martin, La Religion aux États-Unis , Presses universitaires de Nancy, 1989.

Sur le système politique américain

P. Gérard, Le Président des États-Unis , Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1991.

J. Heffer, P. Ndiaye et F. Weil, La Démocratie américaine au XXe siècle , Paris, Belin, 2000.

A. Kaspi, L'Indépendance américaine, 1763-1789 , Paris, Gallimard/Julliard, « Archives », 1976.

J.-P. Lassale, La Démocratie américaine. Anatomie d'un marché politique , Paris, Armand Colin, 1991.

M.-F. Toinet, Le Système politique des États-Unis , Paris, PUF, « Thémis », 1987.

Sur Obama

J. Portes, Barack Obama, un nouveau visage pour l'Amérique, Paris, Payot, 2008.


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À propos de l'image de l'Amérique en France, j'attends avec impatience un travail sur l'image de l'Amérique en France, à travers la musique, ou même de façon plus générale, une histoire culturelle de l'image de l'Amérique en France...






PS : je vous rassure, Sheila ne correspond pas à mes goûts musicaux, disons que c'est simplement un choix de documents sur le thème de l'image américaine... ;-)
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30/10/2008

Dans la série, "je ne vous parlerai pas de la crise", l'épisode 2

Je ne vous parlerai pas de la crise, je laisserai les autres en parler : allez voir ou plutôt écouter ici :

Émission en date de mercredi dernier 30/10 de Daniel Mermet


"Première étape du voyage aux Etats-Unis à Cleveland, Ohio. Autrefois le pilier économique de la "ceinture de rouille" (rust belt), la ville a subit de plein fouet la crise du secteur automobile et s’est vidée de près de la moitié de sa population. Aujourd’hui, Cleveland est une ville qui souffre : depuis 2007 et le début de la crise des subprimes, la fameuse crise des crédits hypothécaires, elle détient le record de maisons saisies et de familles expulsées. Au palais de justice, vente aux enchères où les maisons se vendent pour une bouchée de pain, puis, dans le quartier de Slavik, rencontre avec Barbara qui malgré tout résiste et organise la solidarité avec les voisins du quartier.
reportage : Daniel Mermet et Giv Anquetil"

Pour changer des âneries des journaux sur les cours de la bourse, comme si l'essentiel était là...
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27/10/2008

Pourquoi je ne parlerai pas de la crise financière...


Un investisseur chinois accablé par la chute des valeurs à la bourse de Shanghai le 6 octobre 2008. (Photo Mark Ralston/AFP)


Certaines mauvaises langues diront que c'est normal que je ne parle pas de la crise, parce que je suis fonctionnaire, donc pas concernée par la tempête qui souffle sur l'économie. Il se trouve que dans mon entourage proche n'est pas du tout composé de fonctionnaires, donc je suis plutôt au courant de la réalité de l'économie, au moins celle des PME...

Et puis rien de pire qu'un blog où un incompétent parle, pour le plaisir de parler...
Alors c'est la raison pour laquelle je ne parlerai pas ici de la crise financière, car même si l'histoire économique m'a toujours intéressée, cela ne fait pas de moi une économiste.


Toutefois, j'ai remarqué deux ou trois petites choses dans l'actualité qui m'ont fait réagir (et pas "interpellée" comme on dit souvent bêtement). Je ne parlerai pas de la crise pour donner mon opinion (sans valeur sur le sujet) mais de la façon dont on en parle.

D'abord, dans la bouche d'un professeur d'économie aux écoles militaires de Saint-Cyr - plutôt intéressant globalement à écouter, d'ailleurs vous pouvez le retrouver sur le blog éconoclaste ici et certainement plus que les journaux télévisés - Alexandre Delaigue, invité par Arrêt sur Image.
A. Delaigue, pris sans doute dans le feu du débat, a ainsi expliqué que les chefs d'entreprise en raison de la crise ne pouvaient plus demander de prêt à leurs banques comme ils avaient l'habitude de le faire, pour de courte durée: or l'exemple donné était des plus malheureux, puisqu'il consistait dans un chef d'entreprise qui demande à son banquier de lui prêter le nécessaire sur quinze jours pour le paiement de ses salariés.
Or, les banques n'accordent pas de prêt ou d'avances de fonds sur quinze jours à une entreprise ! Pour financer des paiements, salaires ou impositions, le chef d'entreprise peut tout au plus obtenir de sa banque un rachat de créance, opération par laquelle la banque verse à l'entreprise le montant des factures dont le règlement est attendu des clients, à court terme et en échange se charge des relances et encaisse les paiements faits par les clients le moment venu (nécessairement coûteuse, la banque se sert au passage, ce qui se comprend sans peine), ou bien obtenir de la banque un découvert (lui-aussi coûteux).
Les banques ne financent par des prêts que les investissements, et encore les investissements matériels, et pas le paiement d'ingénieurs ou autres employés que l'entreprise souhaiterait recruter pour développer ou fabriquer un nouveau produit...

Autre boulette entendue cette fois ce matin sur France Inter, un des auditeurs vers 8h50, a parlé du bénéfice comme étant en partie investi et en partie versé aux actionnaires. Ni l'invité chargé de répondre aux questions des auditeurs, ni aucun des journalistes présents n'a relevé l'erreur, plutôt visible lorsque l'on a deux trois notions de base sur l'économie de l'entreprise.
Or le bénéfice est ce qui reste après paiement des salaires, des impositions et charges diverses (65% des rentrées d'une entreprise si elle ne compte pas trop de cadres, sinon c'est plus...) et investissement ! Le bénéfice, lui, est réparti entre les associés et éventuellement actionnaires si l'entreprise est cotée en bourse...


Entre le discours politique, celui des économistes un peu trop ancrés dans la théorie (?) et l'absence de répondant des journalistes, on est pas près de trouver la bonne solution... (encore que les économistes ne sont certainement pas les pires)

En revanche, une histoire de l'entreprise au XXe siècle serait à écrire. Il y aurait de quoi dire sur l'évolution de la perception de l'entreprise (admirez au passage le faux singulier) durant le siècle, l'apparition de l'image du trader golden boy ou affolé au palais Brogniard ou maintenant devant son ordinateur, l'image donnée par les entreprises, les évolutions de la politique des gouvernements à l'égard des entreprises, liée à l'image que les politiques se font de l'entreprise...

Bref, de quoi alimenter un renouveau de l'histoire économique, bien en mal depuis une vingtaine d'années, en l'associant avec l'histoire culturelle !
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24/10/2008

Comment les historiens écrivent-ils l'histoire?



On se pose rarement la question des sources sur lesquels l'historien s'appuie; parce qu'entendre une histoire semble a priori plus intéressant que de savoir comment elle a été écrite. Et pourtant... C'est souvent un des moyens d'identifier un auteur qui raconte n'importe quoi et celui qui s'appuie vraiment sur des sources (il faut ensuite qu'il sache les traiter avec culture et esprit critique, mais c'est une autre affaire).

Recette du jour :

Prenez un historien. Munissez-vous d'un pressoir de préférence ancien (vous en trouverez pour rien en Bretagne et en Normandie) qui pourra par la suite faire le décor kitch de votre jardin, et d'une reproduction du Jugement dernier.

Installez l'historien dans le pressoir, à la place des fruits. Actionnez le mécanisme de presse. Si l'historien, soumis à la pression, crache des liasses de vieux parchemins, divers objets archéologique et des centaines de livres, gardez-le, c'est un bon historien, il vous rendra quelques services. Sinon, épinglez-le au plus vite en bas à gauche de la reproduction du Jugement dernier, c'est l'emplacement réservé pour l'enfer des historiens.

(je crois que je devrais cesser d'abuser du café)

Hum ! Je disais... Les historiens apprennent à connaître le passé grâce aux informations révélées par les "sources": mais ! Le statut de source peut être donné à la limite à n'importe quel objet, à condition qu'un historien arrive à le faire parler. J'ai pris conscience assez tardivement (je vous rassure, c'était du temps de mes études), que l'histoire politique occidentale de ces derniers siècles était en grande partie écrite grâce aux actes émanant du pouvoir (actes royaux, impériaux,...) mais aussi grâce aux archives diplomatiques: comptes rendus des ambassadeurs, résidents et autres espions officiels.

Selon un grand historien du début du XXe siècle, Henri-Irénée Marrou, "Le passé se présente (à l'historien) comme un vague fantôme (...) pour le saisir il faut l'enserrer dans un réseau de questions" (H.I. Marrou, De la connaissance historique, Paris, Le Seuil, 1954, rééd. Points Histoire 1975, p. 56)


Plusieurs classifications sont possibles.
Par nature:

- les sources écrites
- les sources iconographiques
- les sources audio-visuelles
- les sources archéologiques non écrites (objets divers, monuments...)

Une deuxième est encore possible, en fonction de la destination:
- les sources privées
- les publiques

Dans les sources écrites, on distingue encore plusieurs catégories:
- les sources normatives (les textes de lois, les règlements émanant de toutes sortes d'institutions, etc)
- les sources narratives (littéraires ou non: correspondances, mémoires, récits divers...)
- les sources administratives
et la liste n'est pas close.

Or, l'éventail des sources étudiées par les historiens ont varié au fil du temps, comme le regard sur des sources identiques a changé en fonction de l'évolution de l'historiographie ou histoire de la façon d'écrire l'histoire.

Le renouveau historique est dû:

- quelquefois à des découvertes d'archives inconnues ou à des fouilles archéologiques;
- mais le plus souvent, le "nouveau" en histoire est dû à de nouvelles questions, une nouvelle approche des documents déjà connus. Or on peut aborder un même document de mille manières (bon, mille, c'est pour la formule, disons cinq, six, c'est déjà bien)

L'historiographie introduit d'une manière concrète et à partir d'exemples, à l'évolution des démarches, des interrogations, et des interprétations.

Écoutons Henri-Irénée Marrou -un des grands maîtres historiens du XXe s. (1904-1977) - expliquer comment à partir d'un même phénomène, on peut tirer plusieurs manières d'envisager un fait:

"Prenons un phénomène historique bien déterminé : le monachisme chrétien à ses origines dans l'Égypte du IVe siècle.
On peut l'étudier du point de vue de l'histoire du christianisme en tant qu'il est un épisode de celle-là, un aspect du développement de celui-ci.
On peut l'étudier du point de vue comparatif de l'histoire des religions, comme une des manifestations de l'idéal de solitude, d'ascèse et de contemplation qui s'est incarné de tant d'autres manières dans l'humanité (brahmanisme, jaïnisme, bouddhisme, taoïsme, et jusque paraît-il dans les civilisations précolombiennes).
On peut y voir l'aspect social, la fuite au désert, l'"anachorèse" (littéralement la "montée au maquis") étant un phénomène général dans l'Égypte gréco-romaine (criminels, débiteurs et surtout contribuables insolvables, a-sociaux de toute espèce, et non pas seulement religieux).
On peut encore en étudier la fonction économique: les cénobites de saint Pachôme qui par milliers sortaient de leurs couvents pour venir faire la moisson dans la vallée du Nil et gagner ainsi en quelques jours leur maigre subsistance de l'année, apparaissent comme une réserve de main d'oeuvre, un Lumpenproletariat, équivalent de ces travailleurs saisonniers de Californie, décrits par Steinbeck dans Les raisins de la colère... (H.-I. Marrou, De la connaissance historique, p. 51-67


Tout est affaire de point de vue... sur les sources !
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18/10/2008

Enseignement secondaire de l'histoire et esprit critique, le grand écart...


Picasso, Guernica
1937, Peinture l'huile,
Musée de la reine Sofia, Madrid



Le week-end, c'est l'occasion de se détendre (hum... comment ça je suis censée travailler? Oui, bon, juste après ce billet c'est promis!) je fais mon p'tit tour sur la toile, et je fais tourner le truc qui me sert à penser (mon cerveau quoi), sur d'autres sujets que mon sujet de recherche ou de cours.

Sur un forum d'histoire, je suis tombée sur une réflexion au sujet de la neutralité de l'enseignant d'histoire. Hélas, je dois avouer que certains propos étaient justes, et sont peut-être une des raisons de mon dégoût d'élève pour ce truc que l'on appelle "listouarregého".

Je me souviens de la réflexion de mes étudiants qui n'étaient pas du tout historiens (ils étaient dans une filière les préparant au concours de professeur des écoles, je devais leur faire en 3e année de faculté une initiation à l'histoire) "Je n'aimais pas l'histoire, mais je n'en avais jamais fait comme ça". Le "ça" désignant la façon dont je les faisais réfléchir sur l'intérêt de la pratique de l'histoire.

Or, ce "ça" manque à mon sens cruellement dans les programmes du secondaire.

J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer que l'objectivité est une nécessité pour un historien, souvent inatteignable. Mais le but est de la viser...

Or, l'enseignant français doit, selon les programmes, faire l'historique des valeurs du monde actuel, voire défendre les valeurs de la République, c'est-à-dire prendre fait et cause pour l'idéologie républicaine française, la seule valable offerte aux élèves (n'est-il pas traditionnellement chargé de l'éducation civique? Et rappelez-vous pourquoi et depuis quand histoire et géographie sont associées...).

Un enseignant qui ne respecte pas ces directives peut être sanctionné. Oh, pas de goulag en perspective, on lui bloquera tout avancement.

L'exemple le meilleur est sans doute le programme de classe de seconde (voies générale et technologique).
Sont traités : – un exemple de citoyenneté dans l'Antiquité : le citoyen à Athènes au Ve siècle avant J.-C. ; – une approche de la religion chrétienne, composante majeure de la civilisation occidentale ; – la diversité des civilisations médiévales ; – une nouvelle vision de l'homme et du monde à la Renaissance ; – le tournant fondamental représenté par la période révolutionnaire en France ; – l'Europe en mutation pendant la première moitié du XIXe siècle (jusqu'aux révolutions de 1848 incluses).

Allez voir ici, sur le site du SCÉREN ("services culture éditions ressources de l'éducation nationale", ouf, on est au bout !) les extraits des textes officiels et le descriptif des programmes avec les instructions officielles.

Le commentaire suit : "Les programmes d'histoire-géographie permettent en effet la compréhension du monde contemporain, par l'étude de moments historiques qui ont participé à sa construction et par celle de l'action actuelle des sociétés sur leurs territoires. La démarche par laquelle les connaissances sont acquises, la recherche permanente du sens, l'exercice du raisonnement et de l'esprit critique contribuent à la formation des élèves : ils leur donnent une vision dynamique et distanciée du monde, fondement nécessaire d'une citoyenneté qui devient au lycée une réalité effective."

Que ce programme permette de construire une culture, je veux bien. Mais comment forger des esprits critiques, sans points de comparaison ? Avec le système monarchique, avec des dictatures anciennes, avec des régimes combinés, d'autres, oligarchiques, etc.
À part conclure que la citoyenneté d'aujourd'hui c'est quand même hachement mieux que celle de la grande époque d'Athènes, parce qu'à l'époque les femmes et les esclaves n'avaient pas le droit de participer à la vie de la société, comme les hommes, que peuvent en retenir des adolescents ? Surtout qu'à cet âge-là, on fait rarement les choses à moitié...

Si le but n'est pas de valoriser la démocratie, à quel résultat pense-t-on aboutir en ne parlant en matière de régime politique que de démocratie ?

Savoir qu'il y en a eu d'autre, qu'aucun régime politique n'est parfait, qu'ils sont tous un peu utopiques, que chaque régime aussi louable soit-il, impose son idéologie, sa propagande, ne serait-il pas aussi essentiel ?

Savoir que chaque système politique a compté ses grands hommes, ses "saints" selon ma définition (allez voir là), qu'il a avancé grâce à eux... Car à enseigner les idéaux seuls (la citoyenneté -avec Athènes-, la tolérance - la Méditerranée-, l'humanisme - de la Renaissance-, pour insister au final, conformément aux directives sur la période révolutionnaire et le monde contemporain), conformément aux directives, n'est-ce pas nourrir les élèves d'illusions sur la réalité de l'histoire, non pas désespérante, mais ancrée dans l'humain, l'erreur pour ne pas dire les errements ?

Et si on leur faisait découvrir que les sociétés européennes entre les Ve et XVIIIe siècles étaient fondées sur l'association de groupes sociaux dont les intérêts respectifs étaient garantis en échange de devoirs et de droits respectifs, et non une société tyrannique où le Tiers état, associé fréquemment de façon fantaisiste au petit peuple travailleur, était brimé par un roi, un clergé et une noblesse... Bref, qu'il n'y a pas de modèle politique absolu.

Or, la tendance naturelle est que chaque époque enfante le régime politique qui lui semble le meilleur et n'en imagine pas d'autres. Bien mieux, chaque époque légitime son propre régime, propagande et idéologie à l'appui.

Il me semble parfois que c'est presque forger non pas des esprits critiques mais des esprits d'aigris et revenus de tout, les pousser à dix ou vingt ans plus tard dans les bras des extrémismes de tout poil, en leur faisant dire "Nos politiques nous trahissent, et trahissent la démocratie !" Et à rejeter par là tout en bloc, sans nuance... Car leur dire qu'il n'y a pas qu'un seul modèle, mais qu'il faut croire dans la capacité d'une société à inventer son système socio-politique, qui ne sera jamais parfait mais dont l'objectif de perfectionnement est entre leurs mains.

J'ai développé les aspects du programme qui traitent de la démocratie, mais, on pourrait faire de même avec l'humanisme : les hommes du Moyen Âge et de l'Antiquité étaient donc des arriérés, à vivre sans cette valeur ???

Quand à la tolérance dans la Méditerranée au XIIIe siècle, elle est pour le moins à replacer dans son contexte, et n'a pas grand chose à voir avec notre tolérance... Bref !

Ça me filerait presque le bourdon, ces programmes... C'est un peu comme donner à des élèves des Beaux-Arts pour toute formation le modèle des peintres pompiers, bien académique, sans jamais leur parler de Picasso... Heureusement qu'il y a le génie individuel de quelques professeurs pour réparer ce triste programme...
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16/10/2008

De l'utilisation de l'histoire en politique (et ailleurs)


Je ne vais pas continuer à vous raconter mes aventures à la BNF (quoique, j'aurais de la matière, entre la semaine dernière où j'étais coincée à une place en plein soleil, puisqu'il n'y a store sur les immenses baies vitrées qui font la façade de la BNF, ni lundi, jour de panne informatique totale en fin d'après-midi jusqu'à la fermeture, provoquant l'impossibilité de rendre informatiquement les ouvrages, de consulter le catalogue et de commander le moindre livre en magasin... ça a provoqué une jolie pagaille, notamment à la sortie vers 20 heures).

Non, je vais essayer de vous faire à nouveau des posts sérieux, ou presque, en vous causant de la façon choisie par beaucoup pour prendre d'assaut l'Élysée pour tenter de s'asseoir dans le fauteuil présidentiel.

On peut escalader les murs, la nuit en douce, assiéger la place avec forces troupes armées ou bien encore on s'y imagine déjà et on parle de Jules Ferry, de Jeanne d'Arc et de De Gaulle, comme si on était déjà assis dans le fauteuil.

Je vous le garantie, quand on veut faire de la politique (ce qui implique d'entrer dans l'histoire) en se créant une stature d'homme politique de taille, pas de meilleur moyen que de faire référence à l'histoire... De préférence la "grande" enfin celle des grands zhommes.

Effet garanti ! D'ailleurs c'est ce que font tous les politiques, il n'y a pas de hasard.
Plaisanterie à part, intéressons-nous un peu aux relations entre histoire et politique (mais quelle idée ! Hé oui, c'est le genre d'idées qui me vient quand j'écoute ma radio).

Parce que j'ai commencé par écouter Olivier Besancenot sur France Inter lundi dernier, et que j'ai ensuite fureté sur le net, trouvant une moisson abondante de sites et d'ouvrages sur les utilisations de l'histoire que fait un certain Nicolas S. Alors voyons un peu de quoi il retourne.

« Je n’écris pas pour catéchiser, pour recruter des adhérents à tel ou tel parti, mais pour instruire et renseigner. Je croirais déchoir à mes propres yeux si je me préoccupais, quand je prends la plume, du parti que tireront de mes écrits les politiques du jour, en France et à l’étranger. Que ces hommes au profit de leur cause, avec plus ou moins de bonne foi, c’est un ennui que je dois supporter avec calme. Ni leurs éloges, ni leurs injures ne me feront dévier de ma route. Si l’histoire est la politique du passé, ce n’est pas une raison, au contraire, pour qu’elle devienne l’humble servante de la politique ou plutôt des politiques du présent. Elle n’a de raison d’être que si elle dit en toute indépendance ce qu’elle croit être la vérité. Tant pis pour ceux que cette vérité blesse ! Ou plutôt tant mieux, car c’est peut-être une des conditions du progrès.» (14/07/1928, Albert Mathiez, extrait de sa préface à La Réaction thermidorienne, Paris, Colin, 1929.)

Choisir de faire référence à A. Mathiez pour un billet sur les relations entre politique et histoire pourrait paraître de la provocation, (A. Mathiez étant resté célèbre pour son engagement à gauche, champion connu de Robespierre) relève soit du culot monstre ou de l'inconscience. J'assume la première option. Il faut sans doute replacer cette citation dans son contexte, pour distinguer deux choses: le devoir de neutralité de l'historien pourtant marqué par ses croyances et ses opinions et la façon dont le discours de l'historien est lu, interprété, voire utilisé.

Ici, je ne vais pas disserter sur l'influence des opinions personnelles d'A. Mathiez sur son oeuvre, mais le fait que ce qu'il pointait du doigt était l'usage que l'on pouvait faire de son travail, de ses publications, notamment l'usage que les politiques pouvaient en faire, et là, ses propos sont parfaitement justifiés.

Je ne ferai pas le tour du sujet en un billet, mais juste le point sur quelques idées fondamentales, qui tournent autour de l'histoire avec un H et celle avec un h, qui semblent se faire la guerre. Ce genre de sujet devrait être traité plus systématiquement, indépendamment du fait que l'on aime ou non l'histoire. Il suffit d'écouter les journaux, de profiter de notre statut de citoyen en tenant à se faire une opinion pour que la nécessité d'un vaccin contre les abus de l'utilisation de l'histoire, en politique, dans la presse ou dans la rue, soit une nécessité vitale (quoi, j'en fais encore trop?).

On distingue souvent dans les conversations la Graaande histoire et la petite (histoire). La Grande Histoire, c'est la sérieuse, celle des Grands (z)Hommes et des Grandes (z)Actions d'Éclat, et la supposée "petite histoire", anecdotique, faite d'histoires d'alcôve, de détails, sans importance pense-t-on, qui font toutefois les délices des conversations.

Or, il n'y a dans l'histoire des historiens (enfin les vrais, pas ceux qui écrivent n'importe quoi et publient n'importe où) ni petite ni grande histoire, mais des sujets différents, qui intéressent l'histoire politique, ou l'histoire culturelle, ou autre. La reddition de Vercingétorix peut être traité comme sujet d'histoire politique (une étape essentielle dans le parcours de Jules César, ou une étape essentielle, en prenant l'autre bout de la lorgnette, de la vie des populations celtes, et des Gaules), en histoire culturelle (comment la mémoire d'Alesia et l'épopée de Vercingétorix, sur lequel on ne sait quasi rien, est restée dans l'histoire nationale, quand ce moment et cette épopée ont été remises en valeur (surtout sous Napoléon III et dans les écoles de la IIIe République dans la foulée), au mépris de l'exactitude historique).On sait ainsi l'usage que la IIIe République a fait de quelques figures historiques (Vercingétorix, mais aussi Clovis, Jeanne d'Arc, Louis XIV,...) pour créer ou renforcer un sentiment national dont on croyait que c'était son absence qui expliquait la défaite de 1870. D'où l'importance donnée à l'enseignement de l'histoire et de la géographie dans les écoles de la fin du XIXe siècle. On voit alors s'épanouir une littérature scolaire dont le fleuron reste Le tour de France par deux enfants, de G. Bruno.

Mais depuis, les politiques continuent à utiliser l'histoire, ce qui donne le sentiment de l'existence d'une "grande histoire", nationale et politisée surtout, qui alimente les convictions des extrêmistes de droite comme de gauche qu'on leur cache tout et qu'on ne leur dit rien, car cette prédominance de quelques grandes figures masque une réalité souvent complexe, ignorée du grand public. Il faut aussi préciser que les approximations de beaucoup de journalistes, fait reprendre beaucoup de clichés, auxquels l'histoire semble se résumer. En d'autres termes, être vacciné contre l'usage de l'histoire par les politiques, les journalistes ou Monsieurtoutlemonde, sert à rester sourd à bon nombre de bêtises, et à éviter de tomber dans les pièges des orateurs. Je ne crois pas en effet que l'histoire doive servir à quelque chose, elle ne permet que l'apprentissage d'une relative sagesse, l'absurdité de la xénophobie par exemple, elle est juste une façon d'aimer les gens, d'aujourd'hui comme d'hier. Enfin c'est ainsi que je la conçois.

Alors si le sujet vous intéresse, voici un ouvrage (que je dois m'empresser de feuilleter quand j'aurai un peu d'argent et de temps, je vous en donnerai des nouvelles), sur l'utilisation politique de l'histoire par Nicolas S. : "Comment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France", sous la direction de Laurence De Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt & Sophie Wahnich, éd. Agone, 208 p. 15 euros, dont voici un commentaire (je vous recommende celui disponible sur le site des Clionautes, http://www.clionautes.org/spip.php?article2046) : "Au fil des pages et des articles, une explication se dessine. Particulièrement inspiré par la IIIème République, les scribes du président vont chasser aussi bien sur les terres de gauche avec Ferry, Jaurès et Condorcet que de droite avec Jeanne d'Arc, Barrès et Maurras."
Il est précisé sur le site des Clionautes: "Publié par les éditions Agone avec le comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire, cet ouvrage réunit cinquante contributions de différents auteurs qui ont rassemblé sous forme de dictionnaire critique différentes références à l’histoire de France." Ce qui est amusant, c'est que je suis allée sur le site du Comité de vigilance, et j'ai tapé les mot "Ségolène Royal" et "Besancenot". Le premier m'a renvoyé peu d'analyses critiques de l'usage que la première fait de l'histoire, et rien sur le deuxième, qui aime pourtant faire référence aux révolutions de 1789, de 1830, de 1870. Bizarre, non? (Comment ? Qu'est-ce que vous êtes en train de penser? Que ce site ne serait pas, lui non plus, totalement objectif? Qu'il est mal placé dans ce cas pour faire la leçon? Alors là, vous êtes vraiment de mauvais langues, de vrais péripatétiglottes!... C'est quoi ça, péripatétichose, c'est de la xyloglotte, allez voir là)

Un citoyen averti en vaut deux, non ?
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04/10/2008

Réception sur le pouce


Non je ne vais pas vous parler des petites sauteries d'historiens, pendant lesquels on se gave de petits fours, en jonglant comme dans toute réception entre l'assiette, le verre, la serviette, le tout pour serrer d'une main poisseuse un confrère, non, la cause de cette réception sur le pouce n'est ni plus ni moins la suite de mes aventures à Tolbiac.

(Vous croyez que si j'envoie à un éditeur un manuscrit intitulé "Les aventures d'une souris à la BNF" ça peut se vendre? Ce que ça me rapportera en tout cas, ça ne sera pas pire que les revenus d'un article publié en sciences humaines... Passons, glissons si vous n'y voyez pas d'inconvénient.)

Non, c'est seulement que je me suis réceptionnée sur le pouce après une jolie chute sur le bois exotique extrêmement glissant de l'esplanade, en raison de la pluie parisienne de ces derniers jours. Je suis sûre que vous êtes déçus... Quoi, même pas? Et ça vous faire même rire? Cruels!

Bon d'accord, j'avais mes escarpins, et alors ? Souris peut-être mais hors de question d'être grise et moche ! Il y a assez de collègues féminines qui se négligent, je ne vais pas m'y mettre !

Sérieusement, un mail est parti dans la foulée, parce qu'en dépis des bandes anti-dérapantes posées peu après l'ouverture de la BNF Tolbiac, et des affiches expliquant que la pente munie d'un tapis, seul chemin entre l'esplanade et le hall et UNIQUE chemin d'accès à la BNF, est également glissante par temps de pluie, j'ai horreur de râler dans mon coin, autant que d'autres en profitent. Mais il paraît qu'en hiver, par temps de verglas c'est pire encore.

Je n'attends pas d'autre réponse, s'il y en a une, que des propos désolés de la part de mon interlocuteur, mais au moins cela fera une pierre de plus dans le jardin des nécessités d'agir. Et en attendant, ça me défoule. Une amie est tombée dans les escalators (juste assez larges pour qu'une personne s'y tienne et très hauts), résultat un bras cassé qui saignait très abondamment, les pompiers ont dû intervenir, bref...

Tout ça parce qu'un architecte a trouvé que du bois exotique pour l'esplanade, ça faisait joli, sans se renseigner suffisament sur les propriétés de ce bois, et sans doute, à propos des escalators, et autres pentes caoutchoutées, qu'il fallait faire du jamais vu, ou alors du grandiose. Ce n'est pas tout les jours que l'on construit une bibliothèque François Mitterand. Vous savez ce type qui a été président et qui, sur la photographie officielle, tenait les essais de Montaigne à l'envers.

Indépendamment des considérations esthétiques, ce grand machin est dangereux au quotidien, nettement plus que l'ancien site de Richelieu à mon humble (et erroné?) avis. Mais voilà, il fallait du grandiose. Qu'importe si le petit
peuple des usagers s'y casse la figure.

J'ai vraiment du mal à comprendre certains architectes du XXe siècle, moi. Vu que ça ne gêne pas des élèves architectes de faire passer des conduites d'évacuation des toilettes en plein salon. Vous me direz, c'était des élèves. Mais détrompez-moi ou Philippe Stark, architecte superstar, n'a t-il pas produit des chambres d'hôtel de luxe avec toilettes en plein milieu de la chambre, sans parois, naturellement? Il y en a un à Paris, pas vu de mes yeux, mais par un ami qui est allé faire son curieux.

Pour revenir à la BNF, tant qu'on y est, quelqu'un pourrait m'expliquer pourquoi le café à la machine automatique, en gobelet plastique, coûte 90 centimes d'euros, alors que le même à Richelieu coûte 35 centimes? Vous croyez que c'est parce qu'on fait traverser Paris à la nage au café en question? Ou alors c'est à cause des frais d'assurance de Tolbiac ? Il doit bien y a voir une raison... Tout s'explique, c'est ce que l'on dit en histoire, alors !

Ah, et parce qu'il y a toujours plus malheureux que soit, allez voir ici à quel point la nouvelle BNF est pratique pour les personnes en fauteuil roulant
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01/10/2008

Des mérites incomparables du copié-collé...


Je crois que je vais prendre une habitude, moi, c'est d'écrire mes billets à l'avance, puis de les publier en un coup grâce à la magie du copié-collé...

Sinon, je ne réussirai jamais à placer un billet, vu le peu de fois que je suis devant un ordinateur avec connexion internet, depuis que la rentrée a eu lieu. Parce que je cours toujours autant, et que dans les bibliothèques, les connexions internet sont rares, très rares. De vous à moi, je ne me vois pas me connecter sur un truc qui s'appelle « Vieux papiers, vitriol et rose bonbon » depuis la BNF, ça ne fait pas sérieux. Je tiens à mon image, moi.
Donc, après la course à la photocopieuse et à la bonne salle de cours, je me suis lancée dans la course aux livres à la BNF.

Il y a tout de même un truc effarant, lorsque l'on commande un ouvrage à la BNF et dans tous lieux où les catalogues sont informatisés, c'est de buter sur un problème du type « Ouvrage non communicable! » : on est alors parti pour une course dans les dédales informatisés de la BNF. Un rien qui agace énormément.

V'loffffffffffff ! « Ouvrage non communicable » : message bref, qui claque comme une porte de prison, qui tombe sur vous comme un couperet, alors que vous n'attendiez rien d'autre qu'un pauvre gentil petit « Votre commande est bien enregistrée, pour commander un autre livre, veuillez saisir la cote ou revenir au catalogue... » qui vous aurait rempli de bonheur. Las...

On se dit « ce n'est pas grave, je vais m'adresser à un bibliothécaire ». Ce que l'on fait sans tarder. Tous charmants, disponibles, aimables à la BNF, il est rare de tomber sur des revêches.

Et c'est là que vos ennuis s'aggravent. Car le pauvre bibliothécaire (dit A) vous écoute, il peut être impuissant, ou être arrivé à la fin de ses heures en salle, alors, il s'adresse à son remplaçant (dit B), lui explique la situation, pendant que vous suivez attentivement les explications pour être bien sûr que A a bien compris, que B comprend bien le problème.

Mais alors B règle une partie du problème, avant de vous dire « Ah mais pour cette référence-là, il faut que vous alliez voir la banque N! » parce que cet acte-là se trouve en droit, en banque N donc, alors que tous les autres actes royaux de la même époque, hein, même caractère précieux itou, sont en histoire, en banque L. Ne cherchez pas à comprendre !

Alors vous allez voir la banque N (tout à l'autre bout de l'immeeeeense salle de la BNF) en trottant. Et en évitant de faire claquer vos talons sur les parties en parquet, qui alternent avec des parties en moquette, pour ne pas provoquer le courroux légitime des autres lecteurs, plongés (les bienheureux !) dans la lecture paisible de leurs ouvrages ou le nez dans leur ordinateur. Ce qui vous fait marcher naturellement, puis sur la pointe des pieds, puis marcher naturellement, puis sur la pointe des pieds, puis marcher naturellement... pour arriver jusqu'à bon port, soit une quinzaine d'alternance moquette-parquet. Et là, vous cherchez le bibliothécaire.
Ah ! Il est occupé ! Ah un de ses collègues vient d'arriver, vous vous précipitez à Monsieur C... Vous lui expliquez... Et là il avoue son impuissance. Et vous indique la dame que vous avez aperçue tout à l'heure et toujours occupée. Donc vous repatientez. Ah, arrive un autre bibliothécaire (Monsieur D), qui vous voyant attendre, vous fait signe de venir à lui (c'est hachement mieux que la Poste, la BNF, ya pas à dire).

Il vous écoute (vous racontez votre histoire de notice impossible à trouver pour la première, non, deuxième, non plus, troisième, toujours pas, ah la quatrième, oui, la quatrième fois) et vous dit « quand même, la banque L aurait dû nous téléphoner! ». Mais en même temps la dame de la banque L était tellement gentille, je n'allais pas lui planter un poignard dans le dos en le plaignant, donc sourire patient, presque navré « Et pour mon ouvrage, comment peut-on faire?» (dites-vous d'une petite voix courageuse). « Il vous faudrait une place ici en N ». « Ah oui mais j'en ai déjà une en L avec des livres qui m'attendent! Si je prends une place ici, je risque de perdre celle de L et mes livres... Bon alors je reviens dans une demie heure, et je consulterai vite mon ouvrage sur une place provisoire, sans réservation informatique... » « Oui, dans ce cas, si ça ne vous dérange pas, c'est ce que l'on va faire, mais votre ouvrage sera là d'ici à une demie heure! » (in petto, j'espère bien...).

Et vous retournez en L en marchant naturellement, puis sur la pointe des pieds, puis naturellement, puis sur la pointe des pieds... Vous arrivez à votre place, le temps de régler deux ou trois trucs (même pas le temps de brancher de la musique hein...) et hop ! Un autre ouvrage rare a été retrouvé, ouvrage après lequel je galope également virtuellement uniquement cette fois ou presque, le temps de vérifier que c'est le bon livre, la dame de la banque L repart, je tape quelques mots de ce billet, et pof ! Le bibliothécaire de la banque N devant moi « Votre ouvrage est arrivé!!! » (bonheur). Et pof !

Je suis mon guide, il a des cheveux blonds, mon guiiiiiideeeuu, mais ne s'appelle pas Nathalie (navrante, cette comparaison non ? Moi je me marre comme une baleine, cela vous dit à quel point je suis fatiguée, pour rire d'un truc aussi idiot). Et le temps d'aller à la bonne banque en droit -----> le temps de le recopier – ah zut ! Arrivée à la banque N de droit, on me dit « il faut que vous le consultiez impérativement ici, c'est un ouvrage précieux! », bon, bon, je fouille dans mon sac à main... un agenda ! un crayon ! Miracle (double) ! Et c'est parti pour du recopiage manuel, pas le courage d'aller chercher le portable, ce qui implique de défaire le câble de sécurité, de me dépêcher pour que la batterie tienne le temps du recopiage, de revenir, et de rebrancher. Un papier, un crayon, revenons aux principes même du travail bénédictin !

Je reviens à la place, tape trois lignes de plus de ce billet, et là, revient la dame de la banque L avec le précieux second ouvrage dans les mains. Et voilà, le livre m'arrive servi sur un plateau (le bonheur !), plus qu'à examiner si c'est la bonne édition, et je vais pouvoir recopier ce qui m'intéresse quand j'aurai fini ce billet. Il est 17h00, je vais pouvoir commencer à travailler, enfin si le café pris à l'arrivée à 14h30 fait de l'effet encore...

Enfin le pire, c'est d'avoir réservé une place avant de partir de chez soi, d'arriver sur place vers 14 heures, et de commander des livres, sortir aller chercher un truc oublié en consigne, et commettre LA boulette qui fiche toute votre journée en l'air : franchir les portillons en haut des escalators, en négligeant de préciser à la machine que vous sortez juste pour quelques minutes.
Je disais LA boulette, parce que dans la seconde, votre place est perdue (ça encore, ce n'est pas grave), mais le pire, vos réservations de livres sont annulées. Et là, vous pouvez rentrer chez vous. Le temps que les livres qui n'ont pas encore eu le temps d'arriver en banque de salle, réintègrent leur rayon, il y en a pour au moins douze heures. Ou vingt-quatre heures. Enfin bref, vous avez gagné une journée à faire autre chose. Mais pas de bon pour aller aux archives nationales, le temps d'y aller, elles seront déjà fermées... (les portes sont closes à 16h45 tous les soirs au CARAN comme on dit).
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27/09/2008

C'est la rentrée ! Et voici mon meilleur ami...


Déjà une semaine de passée depuis la rentrée (oui, je sais, c'est tard, c'est comme cela à l'université) et déjà mon emploi du temps est parfaitement rôdé ! Je prépare mes cours / Je donne mes cours / Je finis ma semaine en travail personnel de recherche / Je prépare mes cours / Je donne... Bref.

Et je fais partie de ces foules que déverse le RER, qui traversent, que dis-je, galopent à travers les couloirs du métro, montent les escalators ou les escaliers (cela dépend s'il y a un lourd ordinateur ou pas sur mes frêles épaules), vite, vite, rejoignent le lieu de travail, toujours les mêmes rues, les mêmes bars à côté desquels on passe sans prendre le temps de s'y arrêter...

Alors, voici mon meilleur ami de la rentrée : le Guronsan. Un vieil ami (rencontrée en 3e ah non, 2e année de fac), mais je me tâte et je crois que je vais renouer avec lui cette année, rédaction de thèse oblige. Un an pour cette %*!£?@ de rédaction, alors, il va falloir y passer.

Sinon il y a le chocolat. C'est pas mal, le chocolat, noir évidemment. Ça motive aussi pendant quelques heures.

Allez, courage, c'est la rentrée !
(si ça, ce n'est pas un billet totalement dépourvu d'intérêt... Promis, je reviens avec du vrai billet d'historienne, il faut me pardonner, c'est... la rentrée !)
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19/09/2008

Histoire de vieux papiers

Je me suis rendue compte que pour un blog dont l'adresse et le nom évoquent les archives, je ne vous ai toujours pas parlé de vieux papiers.

Il y a des quantités d'aventures qui arrivent aux chercheurs en salle d'archives. Alors commençons par le commencement, présentations et exemple de mésaventures.

Pour écrire l'histoire, on se base sur les documents de toute nature, en fonction de son sujet de recherche.

1/ Le plus souvent, on part d'un problème, une question que l'on se pose : "Comment expliquer les réactions ou l'absence de réaction des Français sous Vichy" ou bien "Pourquoi Henri IV a t-il laissé l'image de bon roi à la poule au pot?". On pourrait donner des milliers d'autres exemples de questionnement ou problématique.

2/ On commence par s'assurer que le problème n'a pas encore été traité par d'autres historiens, ou comment ils l'ont traité, est-ce que leur travail répond à toutes les questions que l'on se pose. C'est l'étape de l'étude historiographique : on étudie ce qui a été traité sur le sujet.

Si ce n'est pas le cas, on peut lancer des recherches. Dans les faits, généralement, on est spécialiste d'une période historique (histoire ancienne, histoire médiévale, histoire moderne -XVIe-XVIIIe siècles-, histoire contemporaine - du XIXe s. à aujourd'hui) plutôt précise (un siècle, un demi-siècle) voire d'un thème (histoire politique, sociale, culturelle, économique etc), et l'on sait en gros si le sujet a été traité ou pas. Ce qui ne veut pas dire que l'on s'abstient de l'étape 2. On sait plus rapidement quelle problématique serait intéressante.

3/ L'inventaire et l'étude des sources. Tout objet, tout document est source pour l'historien.
Pour ma part ( je préfère vous parler de ce que je connais le mieux) je fréquente les centres d'archives de Paris et de province, à l'étranger à l'occasion, à condition de maîtriser la langue...
À Paris, les centres d'archives sont des bâtiments souvent anciens, au moins en partie, et assez beaux, voire magnifiques pour certains. La Bibliothèque Nationale site Richelieu (la BNF est maintenant sur plusieurs lieux, Tolbiac dans le 13e arrondissement, Arsenal près de la place de la Bastille, Richelieu près de la Bourse, enfin l'ancienne Bourse, etc) est un exemple de bâtiment ancien et réellement magnifique et un de mes préférés.














Il faut généralement justifier au moment de l'inscription d'une activité de recherche à titre privé ou professionnel pour y avoir accès.

On s'installe dans des salles plus ou moins vastes, en commandant des documents, une fois que l'on s'est repéré dans le labyrinthe des références en collections, fonds, séries, sous séries, volumes ou cartons...
Et l'on peut, après un temps d'attente variable, consulter de précieux cartons.

Je parlais d'anecdotes, un peu plus haut, car il arrive quelquefois de drôles d'aventures. Moi, cela ne m'est jamais arrivé, en tout cas je ne m'en souviens pas. Mais celle-là est arrivée à une connaissance, archiviste médiéviste. Elle devait faire l'analyse d'un carton encore jamais parcouru. Elle prend son temps, savourant son plaisir, tourne délicatement les pages épaisses de parchemin. À un moment, elle sent une sur-épaisseur. "Un sceau !" L'aubaine ! Elle ne veut pas se précipiter, et rallonge l'attente délicieuse. Le moment venu, petit pincement au coeur, elle tourne le dernier parchemin avant la surprise. Et quelle surprise ! Une souris, morte depuis des dizaines de lustres naturellement, bien aplatie, pas plus grosse qu'un sceau. Horreur ! Scandale ! Effroi ! Elle en fut ce jour-là pour son compte. Hélas, on n'a pas toujours de chance, aux archives !
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17/09/2008

Doit-on être historien pour tirer des leçons de la pratique de l'histoire ?


J'aimerais vous expliquer à présent quelques petites choses à propos de la pratique de l'histoire. Je ne ferai pas cependant le tour de tout dans ce billet, il y en aura d'autres.


Premier point, doit-on être historien pour tirer des leçons de la pratique de l'histoire ?

Je ne dis pas "tirer des leçons de l'histoire" car à mon sens on ne peut en tirer aucune, contrairement à ce que l'on entend souvent : "il y a eu tellement d'horreur, l'histoire ça sert à tirer des leçons de tout ça".
"Tout ça" désignant en tas informe le passé. On peut méditer tout au plus sur la constance de la nature humaine, prompte à massacrer son prochain en dénigrant les massacreurs d'hier.


La seule leçon que j'ai tirée de l'histoire jusqu'ici est le penchant des hommes a faire le mal, quelque soit la culture, la civilisation, les époques. Peut-être parce qu'il est plus facile de faire le mal que le bien.

Il n'y a pas de progrès humain, malheureusement. L'homme d'aujourd'hui, aussi épris de liberté et d'idéaux, n'est pas meilleur dans la pratique que le paysan du Moyen-Âge, son lointain aïeul. L'expérience des uns ne sert pas aux autres, ou bien rarement. Le seul progrès que l'on puisse retenir de façon valable est technique.

En allant plus loin, j'ai même trouvé deux constantes précises qui sont à l'origine de la célébrité de nombreux personnages historiques (en laissant à part les penseurs purs) : l'amour du pouvoir ou de la célébrité, et l'amour de l'argent.
Quand un type laisse son nom dans l'histoire sans avoir manifesté ni amour de l'argent, ni amour du pouvoir, c'est ce que l'on appeler un "saint", indépendamment de toute connotation religieuse. Un original, un Louis IX, un Gandhi, dont le parcours peut s'expliquer parfaitement culturellement, mais dont les motivations de l'action ne répondent pas aux critères habituels.
Il y a donc dans l'homme une capacité au bien, rare, difficile mais réelle.


Donc pas de leçons à tirer de l'histoire, à part la misère et la dignité de la condition humaine.

En revanche, on peut tirer bien des leçons de la pratique de l'histoire. Esprit critique, recul, prudence, contextualisation des informations ("Qui parle ? Pourquoi ?"), remise en cause de théories lorsqu'on les confronte à la réalité, humilité donc devant l'archive, devant les hommes des siècles passés.


Capacité aussi à écouter. Écouter les gens du passé nous raconter leur vie. Il y a quelque chose qui me fascine depuis longtemps : au fond, comment peut-on dire que le passé est moins intéressant qu'aujourd'hui ? C'est un écho à une réaction que j'ai souvent entendue alors que je faisais part de ma décision d'entamer des études d'histoire. En résumé les réactions étaient les suivantes : je fuyais le présent pour me réfugier dans le passé. Faire de l'histoire, est-ce fuir ? Je n'en suis pas si sûre, je suis même convaincue du contraire (joli tour de rhétorique, non ? Banal mais efficace, hum... Il faudra que je me fasse soigner de mon goût excessif des mots)

Les hommes d'hier avaient-ils des vies de valeur moindre que les nôtres ? Non, je ne vois pas pourquoi. On me répondra alors :"C'est que nous ne pouvons plus rien pour eux !". C'est possible. Si j'avais été secrétaire, médecin, mécanicienne, j'aurais rendu service aux gens de mon époque, comme tant d'autres. Oui mais voilà, être un arbre dans une forêt, ne m'a jamais convenu. Indépendamment de cela, les gens des siècles passés ne sont pas moins intéressants que ceux de maintenant. Leur seul défaut est maigre, c'est celui d'être morts, ce qui nous arrivera à tous. Alors tourner sa vie vers celle des vivants ou des morts, peu importe, l'un comme l'autre de ces deux choix sont tout aussi intéressants. Et l'on peut pour les gens des siècles passés, c'est de ne pas les oublier, ce qui est beaucoup.


Ce que j'ai par dessus tout retenu de la pratique de l'histoire, c'est l'effort de comprendre. Comprendre les raisons d'une réaction, d'un choix, d'une culture, d'une vie, d'une condamnation, tenter de tout comprendre, et non juger ce qui revient à fermer les barrières de l'intelligence. Être un avocat qui aurait l'humanité pour client. (tiens, mon goût des formules grandiloquentes que reprend !)

Alors quelque fois, on s'emballe, et il faut discuter, découvrir d'autres visions des choses, pour affiner sa perception des choses, comparer, tisser des liens entre des problèmes.

Ce qui fait l'essence même de l'histoire, et la valeur de l'exercice historique à mes yeux, c'est, qu'avant d'être l'exposé de vérités, elle est un dialogue complexe mais passionnant entre des visions qui, tout opposées soient-elles, redessinent dans leur complémentarité les contours complexes de la vérité historique.

L'histoire est une réécriture perpétuelle, un incessant retour en arrière, nourri de l'exhumation de sources nouvelles et du regard frais de nouveaux points de vue.

Elle apprend à écouter les gens, quel qu'ils soient.

Elle est aussi désespérante, car elle ne sera jamais écrite définitivement, et elle enlève les illusions sur la nature humaine, qui reste la même, quelque soit les siècles, même si les cultures, les modes de vie, les façons de penser, les valeurs changent.

Bref faire de l'histoire c'est un peu grimper en haut d'un phare pour prendre un peu de distance.

Mais pour pratiquer tout cela, il n'est pas nécessaire d'être historien. J'ai le sentiment d'avoir compris tout ce que je viens d'exposer dès ma deuxième année d'étude. Je n'aurais pas choisi de faire de la recherche et donc d'être historienne, cela n'aurait rien changé. J'aurais pu être professeur d'histoire-géographie vacataire avec une simple licence en poche et j'aurais néanmoins pensé tout cela.

Si faire l'histoire donne le goût de comprendre, on ne réussit toujours pas à comprendre. Ainsi je ne vois pas comment on peut avoir des opinions politiques, religieuses ou autres que l'on qualifiera d'"extrême", que ce soit être marxiste, extrémiste de droite ou intégriste et être arrivé au niveau de la licence d'histoire, en ayant profité des acquis de la recherche historique jusqu'à présent.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si tant d'historiens marxistes dans les années 1960 et 1970 ont renoncé au marxisme grâce aux archives, qui ne recelaient pas l'organisation de la société en laquelle ils croyaient. Eux avaient l'excuse de défricher les principes fondamentaux des sociétés des siècles passés. On sait maintenant que les sociétés du Moyen-Âge européen n'ont pas été le théâtre de lutte des classes, chose que l'on pouvait encore croire il y a cinquante ans.

Comment ne pas admettre que le marxisme est né dans le contexte de l'Europe du XIXe siècle, où les populations ouvrières étaient incomparablement plus malheureuses et pauvres que les populations ouvrières d'aujourd'hui ? (Même s'il y a toujours beaucoup de misère, la question n'est d'ailleurs pas là) Comment ne pas admettre que le marxisme qui s'est justifié pendant de longues décennies, ne se justifie plus autant aujourd'hui. De nouveaux contextes se sont développés, avec des nouveaux problèmes économiques, politiques.

À guetter les dangers d'hier, on risque de ne pas voir les dangers de demain, ou à défaut puisqu'il est toujours dangereux de jouer les devins, ceux d'aujourd'hui.


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Recyclé, recyclable, tout est affaire de mot


Je tiens à remercier notre ministre du développement durable et son obsession du recyclage (dont on ne se souviendra plus dans six mois sauf en passant à la caisse du supermarché éventuellement) de m'avoir donné l'occasion de ce billet, grâce à son idée de taxe pique-nique.

Moi, je suis bête. Si, si. D'ailleurs non seulement je me suis arraché les cheveux avec les mathématiques, mais aussi avec le français. Je vous ai dit que je suis une ancienne élève médiocre. Mais à présent, si je saisis l'utilité extrême des mathématiques, sans les comprendre davantage, j'apprécie la richesse d'une langue.

Ainsi on m'a appris que les mots qui sont dotés d'un suffixe en "-able" indiquent la possibilité (si vous êtes curieux, c'est par ici que ça se passe pour en savoir plus) tandis que les suffixes en "-isme" indiquent une attitude, une opinion, voire un excès. L'expansionnisme, le travaillisme, le christianisme, le capitalisme, bref c'était une leçon reçue à l'époque où j'étais à l'université pour mieux comprendre les sujets de dissertation, et les textes en général. Continuons.
L'usage d'un participe passé indique, lui, que l'action est accomplie.

Notre ministre du développement durable a dit : "Utilisez les assiettes en carton car elles sont recyclées".

Moi, je tire de mes règles de lexicologie précédemment rappelées et du bon sens le plus élémentaire la conclusion suivante : une assiette en carton est recyclable. Normal, c'est du carton.

Mais une fois utilisée, je doute qu'elle soit recyclable.

Il semblerait donc que notre ministre ait confondu les mots "recyclable" et "recyclé".


À votre avis, qu'est-ce qu'il faut à notre ministre ? Un cours de français ou un stage chez les éboueurs de Paris ou d'ailleurs ?


Peut-être les deux...
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Et si les économistes étaient les décideurs ?


Idée saugrenue du jour, qui m'est venue en écoutant ce matin l'invité de France Inter, Georges Soros, financier international, milliardaire.

Je ne pensais pas à Soros, mais à des praticiens de l'économie comme Soros. Pourtant ceux qui me connaissent savent le dégoût que provoquent chez moi les investisseurs à court terme, parasites et rapaces à la fois des entreprises.

Ou au moins à des hommes dont l'étude de l'économie est le métier. Un peu comme Raymond Barre. L'ennui c'est qu'en politique il faut savoir être un bon commercial : pas trop de connaissances mais du talent pour parler, afin de vendre un salon en cuir douze places à quelqu'un qui habite dans un studio de douze mètres carrés.

À propos de Sorros, ce qui m'amuse beaucoup (j'ai regardé un peu ce qui se dit de lui sur la toile) c'est qu'on le présente comme philanthrope. Comme Bill Gates.
Il y a de quoi mourir de rire.
Parce qu'en replaçant les choses dans leur contexte, on comprendrait pourquoi les millionnaires/milliardaires américains sont si souvent philanthropes. La lecture des publications d'Olivier Zunz peut permettre de comprendre le problème, pas si simple (notamment Le Siècle américain, utile pour comprendre les enjeux des élections présidentielles américaines au XXe siècle et en ce début de XXIe siècle), qui actuellement travaille précisément sur la question de la philanthropie des milliardaires américains. Pour résumer à l'extrême, il faut se replacer dans le contexte d'une culture américaine protestante où la richesse est à la fois le fruit de l'élection du croyant réformé, et évangile oblige, une barrière à l'entrée au royaume des cieux (cf. la formule du Christ « il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer au royaume des cieux » Mat. 24). Être philanthrope, ça permet aussi de payer un peu moins d'impôts. C'est toujours ça de gagné.


Remarquez, en parlant de chameau, de vrais économistes au milieux de politiques, c'est un peu comme des chameaux dans un zoo, ou pire, au milieu de buildings, ils seraient nécessairement malheureux.
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14/09/2008

Les règles du métier


Non, les historiens n'aiment pas la poussière ! J'entends déjà les commentaires des rieurs autour de moi ! Nous n'aimons pas la poussière, mais les livres souvent. Mais la vérité est-elle dans le livre ? Les choses sont en fait un tout petit peu plus compliquées que cela. L'historien aime les livres, donc les bibliothèques. Il lit beaucoup, écrit beaucoup aussi. Mais je vous entend déjà penser :"Bah ! Forcément ! L'histoire, c'est juste raconter ce qui c'est passé !" Et là je m'oppose, vigoureusement ! (Vous croyez que j'en fait trop, là ? Ah oui, peut-être... Reprenons : ) Faire de l'histoire, ce n'est pas seulement redire ce que l'on sait déjà. C'est un travail perpétuel qui consiste à reprendre les documents, ou les preuves si vous voulez, à les relire, pour mieux les comprendre et en tirer davantage. Quelquefois, on trouve de nouveaux documents, où l'on explore des sujets nouveaux, des documents jusqu'alors négligés. L'histoire est une enquête : nous devons d'ailleurs le mot "histoire" à Hérodote et ses "Enquêtes" (Historíai en grec).

Aussi, l'historien est à l'occasion un pourfendeur de mythes. Encore faut-il que l'on tienne compte de ce qu'il raconte.

Beaucoup de légendes et de mythes traînent en histoire : l'Inquisition, Galilée, la réputation faite à l'Église de nier l'existence de l'âme des femmes, le servage des paysans avant la Révolution, la Révolution de 1789 mère de toutes les libertés, qui aurait mis fin aux privilèges, à la tyrannie royale, et à toutes les misères, etc.

Il est utile de savoir dans quel contexte et donc, pourquoi sont nées ces légendes.

La vision encore aujourd'hui négative du Moyen Âge et de l'Ancien Régime perdure du fait d'une tradition culturelle et politique faisant naître la France en 1789 et parant les années révolutionnaires de toutes les vertus.

Michelet, Lavisse et d'autres créèrent en connaissance de cause des mythes fondateurs des sentiments nationaux.

Vercingétorix, Clovis, Jeanne d'Arc, Danton et Robespierre appartiennent à un panthéon appris sur les bancs des écoles. Ces héros dans lesquels le mythe finit par l'emporter sur l'histoire, n'en sont pas moins utiles.
Ils sont ces modèles sans lesquels il n'est pas d'identité possible. Nous avons déjà abordé le lien entre mythe et histoire nationale. C'est une constante quelque soit le pays.

Mais il faut savoir faire la distinction entre la légende et la vérité. De manière générale, les réflexes patriotiques peuvent conduire à minimiser des réalités historiques : c'est le cas aujourd'hui encore du génocide arménien de 1911 toujours nié par la Turquie, ou même des massacres des années 1790, sur l'ensemble du territoire français, qui n'ont pas été cités lors de la célébration du bicentenaire de la Révolution française.

Les historiens ont été influencés dans leur travail (et ils le sont toujours) par les idées de leur époque. J'ai coutume de dire qu'un historien voit le passé avec les lunettes fournies par son époque). L'objectivité parfaite est impossible, autant en être conscient. Mais l'objectivité doit rester l'objectif.

Les historiens de formation universitaire, ont l'obligation (en principe) de respecter un certain nombre de règles :

- faire preuve d'esprit critique. Un historien doit prendre du recul, ne pas juger par rapport aux valeurs de l'époque dans laquelle l'historien vit. Il doit toujours chercher à comprendre pourquoi un tel ou tel a agi comme il l'a fait. En quelque sorte, un historien est un avocat aux causes et aux clients multiples.

- faire un effort permanent de neutralité. Là encore, pas de jugement de valeur possible "c'est bien / c'est mal".
Il peut dire que telle décision prise par un empereur a été catastrophique (il juge un fait, des conséquences). Il peut dire que Caligula était fou, sanguinaire. Mais son discours ne va pas consister à juger mais expliquer

- expliquer et ne pas raconter l'histoire : il doit chercher à comprendre la raison
d'être des faits rencontrés dans les sources. Parler de manquement à la tolérance quand il est question d'Inquisition, donc pour des faits qui se sont passés au XIIIe siècle, dans le contexte culturelle, religieux du XIIIe siècle, n'a aucun intérêt, aucun sens pour l'historien. En revanche, il doit essayer de comprendre et de faire comprendre pourquoi les tribunaux de l'Inquisition sont apparus alors comme une solution, pourquoi ils ont été acceptés par la majorité de la population.

- être limpide dans son argumentation : contrairement à un journaliste, l'historien doit citer ses sources, pour que chaque lecteur puisse vérifier que la démonstration repose sur un travail sérieux.

Faites l'essai en librairie : regardez en fin d'ouvrage le nombre de pages contenant les références bibliographiques, les sources (archives, documents de toute nature selon le sujet et sur lesquels repose le travail) et la clarté des indications.

J'ai feuilleté récemment une biographie de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, dans laquelle la page des références archivistiques était d'une indigence à pleurer : à peine deux pages maigrichonnes et vagues et tristes (connaissant bien une partie du sujet, j'ai constaté d'ailleurs des lacunes multiples...). Pas de cotes précises des folios dans les cartons d'archives ou registres cités en fin d'ouvrage. Dans tout le corps du récit, à peine dix malheureuses citations de sources manuscrites, si l'on écarte celles déjà étudiées par d'autres historiens, mais un grand nombre de sources narratives et de seconde main. L'exemple à ne pas suivre et surtout à ne pas lire.

À ne pas respecter les règles du métier, on risque de perdre sa casquette et ses galons d'enquêteur. Ce serait dommage, non ?
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