Blogger Template by Blogcrowds.

Une envie de livres ?

29/10/2010

En vrac ! (encore)

Si vous vous intéressez à La Perouse, navigateur, explorateur de la fin du 18e siècle, vous aimerez sans doute l'émission Partir avec (cliquer) qui lui était consacrée ce vendredi soir (on est bien vendredi soir, non? Je suis déphasée en ce moment, je ne vis pas, je scritch, scritch, scritch des pages de cours, je vis en journées de travail et en piles de bouquins effondrées... bref).J'ai toujours aimé ce moment-là de l'histoire du 18e siècle, un moment de paix et d'espoir avant la Révolution, sans doute.

Et pour ravir vos yeux après avoir réjoui vos oreilles, je vous conseille un petit tour ici: un blog où est présenté une reconstitution en 3D de la ville de Lyon en 1700. Je trouve ce genre d'entreprise fabuleux (moi qui passe des heures en tirant la langue à fabriquer mes cartes sur ordinateur) et elle mérite vraiment d'être encouragée, saluée, applaudie. J'ai dit.
Ah si. Si quelqu'un veut bien faire ça pour Paris, au choix, au 16e, au 17e ou au 18e siècle, je suis preneuse. Quoi? J'abuse? Moi? Mais non.
Rendez-vous sur Hellocoton !

27/10/2010

En vrac !

- Une semaine qui commence bien, c'est une semaine où on peut remettre le nez dans ses fichiers de thèse. On se souvient alors de toutes les merveilles que l'on a en stock et qui n'attendent plus que la confrontation avec les connaissances actuelles et la rédaction. Mais c'est comme promener un morceau de fromage sous le nez d'une souris en lui interdisant d'y toucher. Parce que...

- la semaine continue moins bien, quand il faut se coltiner la préparation des cours (ce n'est pas que je déteste mais ne faire que cela... gggrr) et bien pire encore, enchaîner la lecture d'articles et de livres abscons. J'ai des envies folles de vouer aux gémonies ces intellectuels qui croient faire savant en écrivant des pages et des pages totalement incompréhensibles. Remarquez, de cette manière, personne n'y comprend rien, personne ne peut contester le propos et cela vire à l'histoire de l'empereur nu. Dire que l'empereur est nu c'est reconnaître que l'on ne voit pas ses vêtements. Reconnaître que l'on y comprend rien, c'est prendre le risque de passer pour stupide. Tant pis. Vu que la seule alternative, c'est se lancer soi-même dans un autre discours tout autant jargonnant. Non merci. 

- sinon, j'ai un problème. Je viens de découvrir l'existence de plusieurs centaines de mètres linéaires d'archives qui me font pâlir d'envie. Mais pas touche tant que la thèse en cours n'est pas terminée. C'est à en crever de dépit. 

- je me console en me disant que si les grèves ne l'interdisent pas tout déplacement, je vais bientôt goûter un menu Renaissance et  j'ai les papilles qui s'impatientent... Et toc! C'est la revanche de la thèse sur les cours. Et le premier qui dit que l'on mangeait des viandes avec plein d'épices au Moyen Âge et à la Renaissance parce que les viandes étaient avariées et qu'il fallait cacher ce goût infect, je me fâche tout rouge et lui donne 500 pages à lire.
Rendez-vous sur Hellocoton !

17/10/2010

Causons musique (2)

Je vous ai déjà dit que j'aimais l'opéra baroque ? Pas que l'opéra d'ailleurs, mais enfin, difficile d'être moderniste ou de vouloir le devenir sans se plonger dans la musique ancienne et la musique baroque... Et puis ce qui ce qui est bien avec l'opéra baroque,c'est qu'on peut même y saisir des allusions grivoises glissées dans un texte apparemment innocent.
Alors, pour débuter, quelques livres: 


Jacques Viret, Le B.A. BA du baroque, éditions, Pardes, 2008, 128 p. 
Philippe Beaussant, Vous avez dit baroque?, Actes Sud, 1993, 240 p. 
Jean et Brigitte Massin (dir.), Histoire de la musique occidentale, Fayard, 1987, 1312 p.
Philippe Beaussant, Passages de la Renaissance au Baroque, Fayard, 232 p., 2006. 


L'inconvénient de beaucoup d'ouvrages de type "dictionnaire de la musique", "Enclyclopédie de la musique" réside dans l'insuffisance des textes, qui se répètent à peu près tous quelque soit l'éditeur. Malgré cela, ce genre d'outil rend service et est à prendre pour ce qu'il est, une source d'information. Après, à vous de fureter, d'écouter en magasin et de choisir selon vos goûts. Vous n'êtes même pas obligés d'aimer la divine machine à coudre (Bach, quoi).

Une alternative, pour découvrir les nouveautés avant d'aller en magasin, le site Operabaroque que voici en lien. La mise en page est un peu rebutante, mais il y a des choses à y picorer.


Et merci de vous inquiéter pour ma santé mentale, j'écoute aussi Brassens, U2, Madjo ou Gaëtan Roussel. Mais faire décalé juste pour le genre, ce serait assez stupide et sans intérêt. J'ai dit. 

Et n'oubliez pas qu'il est encore temps, si vous êtes dans la région, d'aller faire un petit tour à Blois, pour les dernières heures des rendez-vous de l'histoire, Marie en parle ici.
Rendez-vous sur Hellocoton !

16/10/2010

Une faim de livres (2) La boutique de l'histoire

Dans ce billet déjà un peu ancien, j'évoquais une liste de diffusion bien pratique pour se tenir informé des nouvelles parutions en histoire.

Le lien étant devenu mauvais, le site en question ayant changé, voici un peu de neuf. Il s'agit toujours de la Boutique de l'histoire, située près de la Sorbonne, à retrouver ici sur le net (publicité gratuite même si je n'ai rien contre quelques volumes, hahum). Toutefois le prix de leurs ouvrages d'occasion est assez prohibitif, dès que les ouvrages ne sont plus édités. Disons qu'ils savent ce qu'ils vendent... Mais leur catalogue n'en demeure pas moins intéressant.

Bonne visite...
Rendez-vous sur Hellocoton !

13/10/2010

Devenir historien (8) Et le piston?

Dans l'avant avant dernier billet, j'évoquais la nécessité d'établir et de conserver de bonnes relations avec son "patron", son directeur de thèse. Certains esprits chagrins en ont peut-être tiré la conclusion habituelle "de tout'façon, à l'université, c'est rien qu'du piston". 

Une affaire pourrait apporter des preuves en ce sens. Il y a quelques années, la démission fracassante d'un jeune maître de conférence en sociologie, Xavier Dunezat, fraîchement nommé avait fait du bruit dans Landernau. Dans sa lettre de démission (à lire ici), qui a fait le tour du net, méthodiquement, en cinq chapitres, l'enseignant dressait un tableau accablant des pratiques de recrutement en vigueur. Il dénonçait le "règne du piston", le "désert relationnel" de l'université et le "mépris des étudiants qui transparaît dans l'organisation globale des enseignements... et dans les pratiques professionnelles des enseignants". Il se trouve que ce jeune maître de conférence a été élu parce que devant lui, dans le classement, se trouvaient les deux "poulains" de deux professeurs. Schéma classique, aucun des deux ne voulant céder, c'est le troisième homme qui a été choisi. (Poulain, ainsi nomme t-on celui qui est le candidat favori, pour ses talents en principe, d'un professeur, celui a le plus de chance de gagner au concours. Remarquez, quelques années après avoir été une bête à concours, le mot n'a plus rien de choquant... Hahum...)

(article du Monde, du 16 octobre 2007) La première raison de ma démission est que je n'assume pas la manière dont j'ai été recruté", écrit M. Denuzat. Les procédures de recrutement menées par des "commissions de spécialistes" privilégient "copinage et candidats locaux, issus de l'université qui recrute", explique-t-il. Autre désillusion, les relations entre enseignants. "Couloirs et salles de professeurs vides, (...) bureaux fermés", l'université est selon lui un monstre froid où les "quelques relations socioprofessionnelles qui existent sont profondément structurées par une conflictualité désarmante". Violente est aussi la charge contre les enseignants-chercheurs : ils sont accusés de s'adonner à la "chasse aux cours qui sont en adéquation avec (leurs) thèmes personnels de recherche", de se livrer à une vive "concurrence pour attraper au vol les niveaux intéressants" "faible sérieux en matière de notation ou de suivi d'examen".

Rarissimes sont les universitaires qui quittent un milieu dans lequel ils n'ont pu entrer qu'après de longues années d'études. Plus rares encore sont ceux qui critiquent publiquement ses règles. Récemment, seule la fiction a dépeint ces travers, avec la publication en 2006 de deux romans, Petits crimes contre les humanités (Métailié) de l'universitaire et scénariste de bande dessinée Pierre Christin, et Félicitations du jury de Clarisse Buono (Privé).
A partir de son expérience d'un an, M. Denuzat reconnaît livrer un témoignage "très subjectif, parfois grossier"

L'université, pourrie par le piston? Les choses sont un peu plus variées, pour ne pas dire plus compliquées. Il faut distinguer deux choses: le piston et l'appui mérité et rapporté aux capacités d'un candidat. Le piston se donne indépendamment des qualités et il pose problème. En revanche, sélectionner les meilleurs étudiants, leur donner la possibilité de financer la poursuite de leurs études, de faire leurs publications, bref les aider à traverser la jungle, n'est en rien condamnable ni pernicieux.

Démissionner est absurde. Qu'il y ait du piston, sans doute, mais y en a-t-il plus qu'ailleurs? J'ai des doutes.
Il est certain qu'il ne faut pas s'imaginer que ce sont toujours les meilleurs qui sont choisis. Cela ne veut pas dire que l'on n'a pas ses chances. C'est là qu'intervient le rôle d'un directeur de recherches, sans parler de son rôle scientifique de pure direction de thèse.  

Avant d'en arriver au piston, dont on peut très bien se passer, il faut simplement faire connaître son travail. Des thèses, il y en a des centaines par an, et même sans ce nombre, il n'est pas évident d'obtenir l'information qu'un tel travaille sur tel sujet. Alors il faut publier. Assez mais pas trop. Donc se tenir aux aguets des annonces de colloques. Calenda est mon ami, mais aussi celui de tas de chercheurs. Sauf qu'au début d'une thèse, on ignore souvent l'existence de Calenda, on ignore autant l'existence de listes de diffusion ("Une liste de diff quoi? C'est quoi ce truc?") thématiques, d'associations d'historiens regroupés par spécialisations, de séminaires bidules ou truc où il peut être bon de pointer son nez. Oser répondre à un appel à contribution, oser participer à un premier colloque (surtout quand on n'y a encore jamais assisté, parce que l'on était encore étudiant dans sa petite fac), savoir par quelles bourses ou quels contrats de travail dans le supérieur financer sa thèse, bref, apprendre le métier, cela ne se fait pas sans maître. Enfin, oser publier l'ouvrage tiré de la thèse, être mis en relation avec telle maison d'édition.

Et puis savoir répondre à l'arrogant qui vous interpelle en plein colloque pour vous poser une question sans intérêt, juste pour se faire mousser et tenter de vous ridiculiser ("Quoi ce p'tit jeune, il ne sait même pas répondre alors que c'est son sujet de recherche?"). Savoir se méfier de tel sinistre personnage, connu pour pillages répétés. Savoir peu à peu les règles sociales, qui ne sont pas évidentes pour tous, surtout si l'on est issu d'un milieu modeste, qui ne vous avait pas préparé à cette carrière.

Faire des vacations, obtenir un contrat dans le supérieur d'un an ou plus, permet de prendre conscience que dans ce genre de métier comme dans tous les autres, tout n'est pas rose. La belle découverte! 

Que ce genre de dénonciation soit mérité pour les coupables, mais les autres? Je connais beaucoup de collègues qui ne méritent aucunement de tels portraits. N'empêche que le mal est fait, sur eux comme sur les autres pèsera le soupçon. 

À chacun de refuser les voies d'accès douteuses, au moment où elles se présentent et ne pas en profiter pour, après, crier haro sur le système. Et si l'on tient à ce sens moral, rien ne l'empêche de l'appliquer.  Si votre collègue du bureau d'à côté est indigne de son poste, selon vous, rien ne vous empêche de soigner malgré tout vos cours année après années, en les retouchant, en travaillant dur pour en créer de nouveaux, en changeant les programmes, en se tenant au courant des nouveautés, en ne lâchant pas la recherche, en encadrant des étudiants de la licence au doctorant en les respectant, en assumant des tâches administratives et scientifiques pour la renommée de l'université. 

Il faut quelquefois savoir répondre à des coups bas, s'affirmer, apprendre les règles... Comme partout il y a des moments tendus, des choix à faire entre moralité et immoralité. En se retirant du jeu, on perd le droit de le critiquer et de changer les règles du jeu en étant une exception de plus qui fera de l'université ce qu'elle doit être. Les universitaires ne sont pas des saints, la chose est entendue. Inutile d'en faire des démons.

Rendez-vous sur Hellocoton !

12/10/2010

L'art du colloque

Voici une pépite fine, amusante et pertinente sur le bon usage des colloques, écrit par un littéraire, Robert Mélançon, mais parfaitement applicable au monde des historiens. Trouvée cet après-midi, totalement par hasard (en cherchant autre chose, comme toujours), hasard d'une séance de travail où je suis bloquée à domicile par la grève (et la crainte de transports interminables coincée dans la foule)... 

À la fin du Moyen Âge la route de Cantorbéry était jalonnée d'auberges qui attestaient de l'utilité économique des pèlerinages. Aujourd'hui, autour de toute université qui compte, gravitent des agences de voyages créatrices d'emploi. Entre deux offices, il fallait bien se restaurer ; après les communications, il y a toujours quelque banquet, des monuments, des musées, des bars à visiter, des boutiques à écumer, des conversations qui se prolongent sans fin autour d'un verre dans ce loisir infini qu'on ne trouve qu'ailleurs. Mais la paillardise est bien surfaite et relève de la légende, du fantasme ou du recyclage d'un topos éculé sur les moines girovagues: le secret le mieux gardé des colloques, c'est qu'on y cède infiniment moins à la luxure qu'aux autres péchés capitaux.

      Et puis, il arrive qu'on y travaille. C'est même la règle comme on le constate à lire les volumes d'actes que le courrier apporte presque au même rythme que les calls for papers. On n'y fait pas de recherche, mais on y livre le résultat de ses travaux et surtout on y écoute attentivement, mais oui, ses collègues présenter le résultat des leurs. On s'y lave de la routine des cours, de la corvée des examens, de l'ennui sans nom des comités et des assemblées: on y retrouve sa dignité de travailleur intellectuel. Je me souviens, lors d'un des premiers colloques auxquels j'aie participé, de la joie d'un spécialiste de littérature néo-latine qui enseignait Dieu sait quoi dans une petite université et qui, m'avait-il confié, pouvait une fois l'an rencontrer ses interlocuteurs pendant quelques jours. Il en revenait ragaillardi, prêt à retrouver pour des mois la solitude du coureur de fond et à poursuivre ses travaux sur Guillaume Budé entre deux cours où il devrait s'en tenir aux rudiments. Il n'aurait pas tenu sans son colloque annuel qui lui permettait de se ressourcer.
 
      Sur ma table se sont accumulés depuis trop longtemps des volumes d'actes dont je devrais rendre compte. Lus à la suite, ils suggèrent une typologie du genre colloque dont on trouvera ici l'esquisse. Ils rassemblent quatre cent vingt-neuf communications en vingt-six recueils, auxquelles s'ajoutent six avant-propos, six préfaces, cinq introductions, un liminaire, une ouverture, un texte de préliminaires, un texte de présentation, cinq conclusions, deux synthèses, une postface, cinq index, trois bibliographies, une biographie, une chronologie, un document préparatoire, un lexique, une table ronde, une traduction anglaise de L'Ode à Michel de L'Hospital de Ronsard ; en outre, quatre volumes reproduisent les discussions. À moins de leur ajouter un tome de commentaires, il n'est pas question d'en proposer ici le compte rendu détaillé.
      On ne leur en fera pas grief.
 
      La fonction rituelle des colloques se constate aussi au retour des mêmes noms : quelques champions de la communication se retrouvent presque partout; la plupart sont moins répandus mais réapparaissent régulièrement aux tables des matières. Une série de volumes d'actes offrirait donc ample matière à une sociologie de l'université. On y reconstitue sans mal des réseaux, des systèmes d'échange, des circuits privilégiés. Faut-il parler de «renvois d'ascenseur»? Ce serait facile et, surtout, faux. Le milieu de la recherche universitaire est depuis longtemps international ; actuellement, c'est l'université elle-même qui devient internationale dans toutes ses fonctions -- y compris dans l'enseignement comme en témoigne la circulation de plus en plus fréquente des étudiants d'une université à l'autre en cours d'études. 

Les réseaux des colloques fraient la voie à cette université sans frontières de l'avenir dont chaque institution particulière, chaque campus, ne constituera qu'une épiphanie.

      Parallèlement, dans chaque société, l'université voit son rôle réduit au nom de prétendus impératifs fonctionnels: rentabiliser des investissements énormes, former la main-d'oeuvre spécialisée que la société technologique réclame. Gouvernements, milieux des affaires, médias se retrouvent pour une fois d'accord: les universitaires n'ont pas le sens des réalités; leur poursuite désintéressée de la connaissance et leurs idéaux d'éducation libérale ou humaniste appartiennent à un stade dépassé de l'histoire. Les colloques permettent aux universitaires girovaques de respirer un air moins confiné. 

Semblables en cela aux moines médiévaux qui allaient d'un scriptorium à l'autre à la recherche de textes, les « colloquants » -- risquons ce néologisme comme un clin d'oeil -- maintiennent aujourd'hui, l'idéal d'une république des lettres qui, sans eux, ne serait plus qu'un vague souvenir. Cela vaut bien quelques rituels.
Le texte intégral (à retrouver ici) a été publié sur erudit.org
Rendez-vous sur Hellocoton !

10/10/2010

Devenir historien (7)

J'ai découvert il y a quelque temps cette tribune publiée par Le Monde du 21 novembre 2007, qui mérite d'être lue si vous ne la connaissez pas encore. Le bilan n'est pas glorieux mais je crois qu'il était et reste parfaitement nécessaire étant donné les réactions entendues dans la bouche de Monsieur tout le monde, lorsqu'a eu lieu la grève de 2008-2009. Pour commencer à bien connaître les conditions de travail dans le supérieur, je dois avouer que cette tribune reflète l'exacte vérité. Il ne faudrait pas en conclure que ces conditions sont démotivantes, car le goût de la recherche et de l'enseignement fait accepter cette réalité. Enseignant-chercheur n'est pas un métier que l'on fait pour devenir riche. Il n'en reste pas moins que l'on a une relative garantie du salaire, ce qui est un luxe. Et puis lorsque l'on commence, ces détails-là semblent sans importance, tant le bonheur de se consacrer à la recherche semble supérieur à tout.

Cela dit, je me passerais bien des commentaires insultants de cette ministre qui osait encore dire dans le poste pas plus tard qu'il y a un mois, que s'il y a autant d'abandons chez les étudiants lors de la première année, c'est parce que les enseignants n'y mettent pas assez du leur. Devant de telles réflexions, je lui adresserais bien mon mépris le plus cordial. Mais je garde pour moi les noms d'oiseaux qui me viennent à l'esprit. Son titre de ministre de l'autorise pas à mépriser le travail de ceux qui sont dans les classes. Il faut cependant "laisser dire les sots, le savoir a son prix". Madame le ministre devrait au moins savoir, puisqu'elle se permet de faire la leçon, que d'un magistrat ignorant c'est la robe que l'on salue.  Qu'elle prenne garde, il n'y a pas loin du Capitole à la roche tarpéienne, comme je l'ai appris il y a longtemps en étudiant le latin, cette chose que l'on veut nous faire croire inutile.

Point de vue
Les enseignants, ces oubliés

Dans le tohu-bohu actuel sur l'université et les réformes qui la visent, l'enseignant-chercheur est oublié, voire calomnié. Quand on l'évoque, c'est pour pointer les échecs pédagogiques qui lui seraient imputables ou ses prétendus piètres résultats dans le domaine de la recherche. Que l'on nous permette de dépasser ces clichés. Pour intégrer l'enseignement supérieur, un très long parcours d'obstacles est à suivre : huit années d'études supérieures au minimum, ponctuées de diverses barrières hyper-sélectives (souvent l'agrégation, puis le concours de recrutement dans l'université offrant un poste). Le postulant doit aussi, outre sa thèse, avoir déjà fait parler de lui, en publiant notamment des articles dans des revues savantes. Seuls 5 % environ des doctorants bénéficiant d'une (maigre) allocation, les autres se débrouillent comme ils peuvent.

Au terme de ces épreuves, que découvre alors le maître de conférences fraîchement émoulu ? Des locaux effrayants : salles de classe crasseuses ; amphithéâtres lugubres ; bureaux quand ils existent, à partager à plusieurs, non équipés (même d'un téléphone, ne parlons pas d'ordinateur...) et mal chauffés. Cet inconfort affiche visiblement un mépris pour le savoir, pour ceux qui en assurent la diffusion comme pour ceux qui le reçoivent.

Le sentiment d'être traité avec indignité est confirmé par sa première feuille de paie : 1 600 euros net. Mais ce n'est qu'une question de patience : tous les deux ans et dix mois, très exactement, il prendra un échelon qui lui permettra, à coups d'une centaine d'euros, de gravir petit à petit l'échelle salariale, jusqu'à atteindre 2 500 euros nets dans la quarantaine. Si, au prix d'une nouvelle thèse et d'un nouveau concours, le maître de conférences parvient à accéder au rang de professeur des universités, et à condition qu'un poste soit offert dans sa spécialité, il pourra compter sur quelques centaines d'euros supplémentaires. On le voit, la personne la plus diplômée de France peut être qualifiée de nantie. De ce traitement, il faut souvent défalquer les transports nécessaires pour se rendre sur le lieu d'enseignement. Bon nombre d'universitaires traversent en effet le pays deux ou trois fois par semaine, à leurs frais, pour aller travailler. Tous les enseignants des universités devraient se voir allouer une indemnité, non forfaitaire, calculée sur les frais réels engagés par l'exercice de leur profession : déplacements, équipement informatique, achats d'ouvrages, etc.

Quant à la charge de travail des universitaires, le malentendu est total : les 192 heures d'enseignement requises (soit davantage qu'aux Etats-Unis ou au Canada, puisque les comparaisons avec l'étranger sont de saison) sont à comprendre comme du face-à-face. Elles n'incluent évidemment pas les très longues heures de préparation, de très lourdes corrections (par centaines de copies), ou de lecture de mémoires et thèses (par dizaines), de rendez-vous avec les étudiants, en master et doctorat notamment ; elles ne comptabilisent pas la présence aux jurys d'examen et de soutenance ni aux réunions pédagogiques proliférantes ; elles ignorent aussi bien le temps passé à l'exercice de responsabilités administratives, de plus en plus envahissantes.

Ces lourdes tâches rendent la mission de chercheur presque optionnelle, d'autant qu'elle est peu reconnue et notoirement sous-dotée (la « prime de recherche », d'environ 1 000 euros annuels n'a pas augmenté depuis vingt ans). On peut d'ailleurs s'étonner que cette obligation de production soit globalement si bien remplie en France, dans ces conditions d'indigence et d'indifférence. Aujourd'hui, l'habituelle lassitude cède la place à une forme de révolte, face à la dégradation d'une condition déjà en soi inacceptable et qui s'accompagne d'un inquiétant discours de mépris. A moins qu'on ne considère que « la République n'a pas besoin de savants ».

Nathalie Barberger, Florence de Chalonge, Claude Habib, Anne Richardot, Nelly Wolf sont maîtres de conférences ou professeur[s des universités [en lettres et littérature françaises] à Lille-III.
Rendez-vous sur Hellocoton !

03/10/2010

Mon patron, mon hypothétique carrière et moi (Devenir historien, 6)

Tandis qu'en ce moment j'attends de pouvoir retrouver le temps de me replonger dans la thèse, avec le même désir que l'assoiffé dans le désert à la recherche de son oasis, l'esprit continue à trotter sur les stratégies pour réussir la fin de thèse. Parmi les objectifs, il y a boucler la thèse à temps (et là, ça s'annonce complexe mais je n'en peux plus, je veux m'en débarrasser de cette thèse! Même si j'aime toujours autant mon sujet, ce n'est pas le problème). Les meilleurs choses ont simplement une fin, pour pouvoir avancer. 

Je ne peux pas non plus m'empêcher de songer à la manière d'éviter de cramer mes chances de nouer de bonnes relations avec les collègues là où je suis en poste. Cette pensée hautement philosophique m'est venue l'autre jour en jouant au push box le temps d'un trajet. Par exemple, le push box est un jeu qui devrait être conseillé aux étudiants. Celui qui ne se présente pas à une convocation pour expliquer une absence devrait y jouer. Il comprendrait vite que se créer des impasses n'est pas vraiment le meilleur moyen de sortir avec un diplôme en poche. Et qu'un professeur pas content peut représenter le même genre d'obstacle qu'un cube placé bêtement juste au mauvais endroit.

Nouer de bonnes relations, oui, mais peut-être pas en écrivant une communication de complaisance, raccordé Zeus sait comment, au thème du colloque auquel on m'a suggéré de participer. Ni au prix d'organiser un colloque avec un labo dont je ne fais pas partie. Quoique débaucher des thésards soit manifestement un sport courant. "Z'avez pas de co-tutelle pour votre thèse? Ah... Pourtant... ça pourrait être bien pour vous". Là, on pense in petto "c'est bon, c'est bon, t'affole pas, pépère, si tu crois que je ne vois pas où tu veux en venir. Cause toujours. On ne m'achète pas (encore) moi, monsieur". Quant à aller de vous-même, à la moindre contrariété, démarcher un autre professeur, comment dire... ça relève du suicide. Du genre, vouloir traverser le Sahara seul, avec ses petits mollets. Il y en a qui ont essayé, notez...

Si jamais on voit à ce moment-là son directeur de recherche, il y a des chances pour que celui-ci lève un sourcil "Souhaitez-vous continuer votre thèse sous la direction de M. Machin (le rival qui vous a démarché)?" Ooooh la question piège. Ton neutre, question apparemment innocente. Mais il vaut mieux faire attention à sa réponse. L'université est un lieu où les liens de fidélité ne font pas seulement objets de cours pour expliquer les relations entre le roi et la noblesse à l'époque moderne, si vous voyez ce que je veux dire... Abandonner son "patron" (directeur de recherche) est très mal vu. Même si le patron en question laisse à désirer. D'où l'importance de bien se renseigner sur l'intégrité et les qualités professionnelles du personnage avant de s'engager avec lui (une fréquentation assidue de l'asso des étudiants d'histoire du département peut être très très utile, à cet effet). L'abandonner est un excellent moyen pour se fermer définitivement bien des portes. Cela fait partie des règles de loyauté implicites dans le métier. Aller voir ailleurs, cela revient à tout juste faire de votre thèse un escabeau commode pour attraper les pots de confiture, en haut des étagères dans la cuisine. Le jour où le mien de patron m'a posé la question, j'ai failli mal le prendre. En même temps, je lui dois un peu trop pour en avoir envie. Non, mais l'abandonner et puis quoi encore?! Kkkksss...

L'idéal, c'est choisir un patron qui vous a vu progresser depuis le début de vos études, il vous connaît, avec vos forces, vos faiblesses, et peut adapter sa pédagogie en fonction. Mais il faut qu'il soit loyal, et qu'il soit prêt à vous soutenir moralement, notamment pendant les concours. Prof et psy sont des métiers parfois proches... Aller chercher la "star"dans une autre université est loin d'être toujours une bonne idée. Parce qu'il y a d'excellents professeurs partout et parce que l'on sait ce que l'on laisse, moins ce que l'on trouve. Et je ne connais aucun professeur qui n'a pas ses réseaux, suffisamment développés pour lancer des doctorants dans le "milieu". La "star" qui a quarante thésards et pas un quart d'heure pour vous, ce n'est pas qu'une légende. Choisir à l'inverse un professeur "juste parce que ses cours magistraux en licence, c'était trop d'la balle" ce n'est pas forcément non plus une excellente idée. J'en ai vu tomber sur  des professeurs excellents mais à la déontologie aussi variable que le thermomètre en Bretagne. Et se retrouver entre thésards à des soirées "défoulement psy anti-patron" où les victimes du pillage du vénéré patron se racontaient leurs malheurs en les tentant de les noyer dans le pinard et la tartine de rillettes.

L'aventure avec un directeur de recherches se rapproche quelquefois du mariage: c'est pour le meilleur... et parfois aussi pour le pire. Dans tous les cas, on ne se lie pas à un directeur à l'aveugle.

Dans l'immédiat, le meilleur moyen de boucler ma thèse, c'est quand même d'arrêter de me poser des questions dans tous les sens, pour terminer mes cours et m'y remettre (à la thèse)... Vous ne m'en voudrez pas si j'y retourne?
Rendez-vous sur Hellocoton !