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Une envie de livres ?

28/11/2008

Le bleu, le noir et les étoffes du diable





















Bronzino, Portrait d'un jeune homme, v. 1540,
huile sur bois, 96 x 75 cm, Metropolitan Museum of Art, New York



Voici une gourmandise qui vient de sortir en librairie, si vous ne l'avez pas encore repérée (oui, les vitrines des librairies sont pour moi depuis très longtemps bien plus alléchantes que celles des pâtisseries) : "Le noir, histoire d'une couleur" de Michel Pastoureau: longtemps couleur à part entière en Occident, puis en déclin avec la nouvelle classification des couleurs à partir du 16e siècle, elle revient en force au 19e siècle.

Couleur de deuil, couleur de l'austère sobriété espagnole des 16 et 17e siècles (ah, L'homme au gant de Titien, mieux encore mon Portrait d'un jeune homme, de Bronzino, en vignette, là-haut, il me fait pleurer celui-là), couleur du sérieux masculin du 19e siècle (pensez au vêtement noir de Monsieur Bertin, d'Ingres, allez voir là, cherchez Ingres, Monsieur Bertin...).

L'auteur, Michel Pastoureau, est naturellement historien (directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études et à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, l'EHESS), spécialiste de l'histoire des couleurs (aaaah son "Bleu", qui avait fait sensation à sa sortie en 2000 !), des emblèmes et des symboles.

Je me souviens avoir trouvé en parcourant les rayons, son Étoffe du Diable, un livre fabuleux sur les significations attachées aux rayures en Occident: qui ne se souvient pas du gilet à rayure du maître d'hôtel du capitaine Haddock ? Car les rayures ont longtemps été symboles de servitude, voire symbole de folie: les carmes ont provoqué le scandale à partir du milieu du XIIIe siècle, à cause de leur manteau rayé, "barré", or les barres désignent en ancien français non seulement les rayures mais est aussi en langage héraldique le signe de la bâtardise...


Depuis les années 1960, les historiens se sont ouverts à ce qui a d'abord été appelé "l'histoire des mentalités", avant d'être intégrée dans une très large, très vaste histoire culturelle, définie comme une « histoire sociale des représentations » (Pascal Ory). Histoire des institutions et des politiques culturelles, des représentations et des moyens d'expression du pouvoir, histoire des médias et de la culture médiatique, histoire des symboles, histoire des sensibilités (histoire des façons de manger, de s'habiller, histoire de l'imaginaire, des odeurs, des sons, etc), histoire de la mémoire,
bref, l'histoire du Bleu, et celle du Noir sont des fleurons des plus belles études historiques européennes d'aujourd'hui...
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13/11/2008

BNF : bientôt la fin des réceptions sur le pouce ?

Vous savez quoi ? J'ai reçu une réponse de la BNF à propos de ma glissade sur l'esplanade détrempée... Je n'y croyais pas (plus).

"Madame,

Vous avez bien voulu attirer notre attention sur une chute dont vous avez été l'objet sur l'esplanade de la bibliothèque et sur les dangers d'y circuler à pied, et nous vous en remercions.

Nous comprenons votre inquiétude et parce que nous la partageons, nous sommes actuellement en cours d'élaboration d'un projet destiné à améliorer la lisibilité et l'accessibilité des entrées en bâtiment. Ce projet qui sera réalisé durant l'année 2009 permettra aux usagers de trouver sans peine et sans danger l'entrée de la BNF, quelles que soient les conditions climatiques".

Il est question d'un chemin sécurisé "qui mènera le public des abords du site aux portes à tambour situées au pied des travélators" avec un revêtement parfaitement antidérapant... Le bonheur avec des bulles... Je vais pouvoir ranger ma coquille de Caliméro, pour cette fois!




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11/11/2008

11 novembre 2008, 90 ans après.


J'ai un attachement particulier pour ce jour-là, pour la Grande Guerre comme on l'a appelée. Peut-être parce que je pense alors à mon grand-père maternel, et aussi à mon grand-père paternel, qui ont chacun vécu la guerre très différemment et pas exactement comme les autres fantassins.

Fait du hasard, mon grand-père maternel est le seul de mes grands-parents à avoir vécu assez vieux pour que je le connaisse, même s'il est mort quand j'avais deux ou trois ans. Curieux pour un homme qui a failli être réformé, et qui a finalement servi comme infirmier, car "il avait la santé trop fragile" pour être soldat à proprement parler. On lui a toujours dit qu'il ne vivrait pas bien vieux.
Comme tant d'autres, il "n'en parlait jamais". Pourtant comme infirmier, il a dû en voir.
Mon autre grand-père, lui, a vécu la guerre sans tout à fait la faire: lui et ses camarades ont été faits prisonniers en 1914 dans le train qui les emmenait au front. Quatre ans de captivité. Une chance finalement, à un moment où la vie des pigeons voyageurs et des chevaux était plus précieuse que celle des hommes.

Pendant ce temps, ma grand-mère maternelle "qui n'était jamais passée entre deux chevaux" a dû apprendre à les atteler, et a dû faire les labours, et les récoltes... "Comme un homme!"


Folie des hommes. Mais on ne peut qu'être heureux des évolutions de l'historiographie qui nous permettent de savoir autre chose de celle que l'on a en vain rêvée comme la Der des Der, que les batailles. Des années 1970 à aujourd'hui, une multitude de travaux d'historiens a permis d'en savoir un peu plus sur le quotidien de ces hommes-là, dans la boue, la neige, la pluie et le froid, le cagnard, les tranchées, les puces et les rats, les bombes et le reste. Sur le quotidien de l'arrière, la propagande, la "brutalisation" de la société pour reprendre la formule de George Mosse. Si le sujet vous intéresse, commencez par ceci (un résumé historiographique de l'académie de Grenoble) ou cela (une présentation de l'ouvrage de réflexion sur l'historiographie de la Grande Guerre, par A. Prost et J. Winter, Penser la Grande guerre)
S'il y a un jugement un jour, je n'aimerais pas être à la place des grands officiers de 14-18. Même les animaux devraient être là pour les accuser.

Grâce à J.-J. Becker, on sait que les soldats ne sont pas partis la fleur au fusil, bien loin de là, à G. Pedroncini, que les "mutins" fusillés n'ont pas dans leur immense majorité refusé de se battre, quoiqu'en ait suggéré la récupération politique ultérieure.

Car entre les lamentables affirmations sur l'air "On nous cache tout on nous dit rien" des acteurs du film Indigènes de Rachid Bouchareb (selon lesquels on aurait caché le rôle des Indigènes pendant la guerre, z'ont pas dû être assidus en cours au collège ou au lycée ceux-là...), les récupérations politiques en tout genre de la Grande Guerre, il vaut mieux laisser de côté la plupart des commémorations officielles et se plonger dans de bons livres... Et aller visiter par exemple Douaumont (enfin, un autre jour) pour les photographies en 3D des tranchées...


À lire pour eux, pour qu'ils vivent dans nos mémoires:
* Barbusse, Le feu, 1917
* Dorgelès, Les croix de bois, 1919
* Genevoix, Ceux de Verdun, 1916-1921
* Norton Cru, témoins, 1929.

À voir ou à revoir,
Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick. Non pas document, mais évocation brillante des supposés mutins...


À lire ou à écouter l'intéressante interview de S. Audouin-Rouzeau (historien) et de Jean Rouaud (romancier) dans Télérama sur la difficile évocation de la Grande Guerre.

À tous ceux qui liront ce billet, pourriez-vous indiquer en commentaire comment dans votre famille 14-18 a été vécue ? Vos grands-parents, arrière-grands-parents, hommes et femmes... Merci...
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06/11/2008

Élections américaines 2008, entre propagande et information

Dans les discours et les images qui ont accompagné la présentation médiatique de la campagne électorale américaine, il y a des choses que l'on relève nécessairement, lorsque l'on a une petite formation à la critique...

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la présentation biographique de Barack Obama que les journaux télévisés français reprenaient tous, il y avait les mêmes images (photographie de son père, image en arrière-plan d'une femme d'Hawaï en train de danser - rigolo le stéréotype, d'ailleurs... -, la photographie de sa mère, celle de Barak enfant avec son beau-père et ses demi-frères et soeurs indonésiens, celle de ses grands-parents américains blancs), le même résumé. "Bizarre, vous avez dit... bizarre"

Bref à se demander "mais d'où viennent donc ces images?!"... ce qu'aucun journal n'a dit... Je vois bien une vidéo livrée clé en main par les responsables de la campagne d'Obama, moi... Et personne ne s'est posé la question de la construction de sa biographie, avec des matériaux réels, là n'est pas la question, je ne soupçonne pas en soi de déformation de la réalité, juste de... hummm, voyons voir, comment appelle-t-on cela déjà ? Ah oui, propagande... Que les journalistes de la télévision, reprennent sans oeil critique. En même temps l'absence de regard critique, l'incapacité des journalistes à citer leurs sources (pourquoi pas un bandeau en bas d'écran indiquant l'origine de ces images) est un peu la raison pour laquelle je ne regarde plus ces journaux, sauf quand je cherche justement de l'image de propagande ou à regarder le travail des journalistes. Et généralement, il y a de quoi s'amuser à la télévision !


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Je fais taire ma langue de vipère, et je vous propose quelques livres, écrits par des spécialistes, pour saisir l'occasion des élections pour réfléchir sur les États-Unis au 20 siècle et en ce début de 21ème siècle.

Les États-Unis au 20e siècle ne sont en rien dans mon domaine de spécialisation, mais un historien qui n'est pas curieux de tout, y compris de son temps ne peut être qu'un mauvais historien.



Si l'élection de mardi dernier vous intéresse, si vous désirez en savoir un peu plus sur l'Amérique au 20e siècle et en ce début de 21e siècle, pour comprendre ce qui se dit, ce qui se joue, voici quelques références essentielles qui permettront de comprendre ces évènements qui ont suscité autant d'émotion...


André Kaspi est professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université de Paris I et directeur du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA). C'est un des "maîtres" sur la question des États-Unis.

Jacques Portes est, depuis 1995, professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université de Paris 8 Vincennes-Saint Denis.

Olivier Zunz est professeur à l'Université de Virginie (et un de mes auteurs préférés sur la question).

Nicole Bacharan est diplômée de l'IEP de Paris et de l'université de Paris I, elle est également chercheur associé à la Fondation nationale des sciences politiques, spécialiste de la société américaine et des relations franco-américaines.

Claude Folhen est historien, spécialiste de l'Amérique du Nord, et il a occupé pendant plus de vingt ans la chaire d'histoire américaine à la Sorbonne. Il peut être considéré comme le père de cette discipline.


Ouvrages généraux

A. Kaspi, Les Américains. Les États-Unis de 1607 à nos jours , 2 vol., Paris, Le Seuil, « Points-Histoire », 1986, rééd. 1998.

J. Portes, L'Histoire des États-Unis depuis 1945 , Paris, La Découverte, 1992 ; Les États-Unis au XXe siècle , Paris, Armand Colin, 1997.

O. Zunz, Le Siècle américain. Essai sur l'essor d'une grande puissance , Paris, Fayard, 2000 (à paraître en avril) (traduction en français de Why the American Century , University of Chicago Press, 1998).

Sur l'immigration

J. Brun, America ! America ! Trois siècles d'émigration aux États-Unis (1620-1920) , Paris, Gallimard/Julliard, « Archives », 1980.

R. Ertel, G. Fabre et É. Marienstras, En marge. Les minorités aux États-Unis , Paris, François Maspero, 1971.

Cl. Fohlen, La Société américaine, 1865-1970 , Paris, Arthaud, 1973.

N. Green, Et ils peuplèrent l'Amérique , Paris, Gallimard, « Découvertes », 1994.

A. Kaspi, La Vie quotidienne aux États-Unis au temps de la prospérité, 1919-1929 , Paris, Hachette Littératures, 1980, rééd. 1993.

Y.-H. Nouailhat, Évolution économique des États-Unis du milieu du XIXe siècle à 1914 , Paris, Sedes, 1982.


Sur la question noire

N. Bacharan, Histoire des Noirs américains au XXe siècle , Bruxelles, Complexe, 1998.

F. J. Davis, Who is Black ? Our nation's Definition , Pennsylvania University Press, 1991.

M. Fabre, Esclaves et planteurs dans le Sud américain au XIXe siècle , Paris, Gallimard, 1970.

C. Fohlen, Les Noirs aux États-Unis , Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1994.

G. Kepel, A l'Ouest d'Allah , Paris, Le Seuil, 1994.

Sur la religion aux États-Unis

J.-Cl. Bertrand, Les Églises aux États-Unis , Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1975.

J.-P. Martin, La Religion aux États-Unis , Presses universitaires de Nancy, 1989.

Sur le système politique américain

P. Gérard, Le Président des États-Unis , Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1991.

J. Heffer, P. Ndiaye et F. Weil, La Démocratie américaine au XXe siècle , Paris, Belin, 2000.

A. Kaspi, L'Indépendance américaine, 1763-1789 , Paris, Gallimard/Julliard, « Archives », 1976.

J.-P. Lassale, La Démocratie américaine. Anatomie d'un marché politique , Paris, Armand Colin, 1991.

M.-F. Toinet, Le Système politique des États-Unis , Paris, PUF, « Thémis », 1987.

Sur Obama

J. Portes, Barack Obama, un nouveau visage pour l'Amérique, Paris, Payot, 2008.


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À propos de l'image de l'Amérique en France, j'attends avec impatience un travail sur l'image de l'Amérique en France, à travers la musique, ou même de façon plus générale, une histoire culturelle de l'image de l'Amérique en France...






PS : je vous rassure, Sheila ne correspond pas à mes goûts musicaux, disons que c'est simplement un choix de documents sur le thème de l'image américaine... ;-)
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