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Une envie de livres ?

25/10/2009

Adieu, Monsieur Chaunu !


Pierre Chaunu est mort, jeudi dernier, 22 octobre. Vous avez peut-être vu passer l'annonce. Pour moi, l'annonce a été comme un coup de tonnerre.
Vous trouverez facilement sa biographie sur le net. Un très grand historien. Un personnage de caractère, aussi, un peu à la manière de Fernand Braudel.

(Pierre Chaunu. Photo : archive Jean-Yves Desfoux, site ouest-France)

Historien moderniste, né en 1923, auteur d'une thèse sur Séville et l'Atlantique, dans laquelle il examinait les structures de l'espace atlantique de 1504 à 1650 (voir un compte-rendu sur Persee.fr de R.-H. Bautier) les relations avec l'Amérique naturellement, les échanges commerciaux entre Europe et Amérique, il était spécialiste de démographie historique, d'histoire religieuse. Un historien d'une puissance intellectuelle peu commune. Il suffit pour s'en rendre compte d'ouvrir son Temps des Réformes...!
Il était pour nous, étudiants des années 90, une des stars en histoire moderne, et même en histoire tout court. Plusieurs de nos professeurs avaient été ses élèves. Ils en avaient été marqués et nous en marquaient à leur tour.

Le personnage, je l'ai souvent écouté avec presque de l'adoration, dans le poste - j'aimerais beaucoup d'ailleurs retrouver ces émissions - et croisé souvent dans les rues le dimanche matin. Mais je ne l'ai vu qu'une fois "sur scène" lors d'une conférence. Un monstre sacré sur les planches, ça ne se ratait pas. Il s'agissait d'une conférence sur la démographie. J'ai gardé de lui quelques phrases acides qui disaient en gros que les Bretons, les Basques espagnols, les Corses, pouvaient revendiquer leur autonomie, mais qu'ils fassent vite, leur population étant en train de disparaître... Un pauvre auditeur, qui avait osé demander des précisions, s'est fait remballer vite fait, le maître n'appréciant pas qu'on lui demande des précisions, son propos avait été suffisamment clair... Et à chaque fois maintenant que je vois dans une conférence quelqu'un oublier la nécessité de garder son micro à proximité de la bouche, je pense à Chaunu. Ce soir-là, le micro était un objet inutile pour lui. Qui se retrouvait dans ses mains naturellement croisées dans le dos, ou élevées vers le ciel dans un grand geste d'exaspération, bref, heureusement, nous avions bonne oreille pour ne pas souffrir de l'absence du micro. Un personnage.

Pour finir sur plusieurs sites de journaux et notamment sur celui de Libération notamment, vous trouverez des anecdotes de ses anciens élèves (les veinards), très très drôles et émouvantes.



Adieu, Monsieur Chaunu !




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22/10/2009

Entre deux pages de thèse, de petits soldats émouvants...


Pfffiouh... un mois depuis le dernier billet. Je ne suis pas morte ni en hibernation, juste très très prise par les cours et la thèse. Rien de neuf, sauf que si. Je suis entrée dans l'année de rédaction, et je me suis fixée comme limite absolue la fin de l'été prochain. Et là, ça ne rigole plus. Un plan de bataille a été établi, et comme je me méfie de mes pires ennemies, autant dire moi et ma cossardise (j'aime les néologismes, moi aussi) j'essaie d'être stricte pour l'instant. Je sens que je vais dépasser, à terme. Alors au moins au début, j'essaie de ne pas déraper et envoyer tout de suite à la poubelle ce précieux calendrier. Ordonc, vous avez l'autorisation de me botter le derrière si à la fin du mois, je n'ai pas fini ma bibliographie. Si, si. En attendant, je m'ennuie et je me régale. Rien de plus fastidieux que de dépouiller des volumes de références bibliographiques. Mais j'en profite pour relever les numéros des références qui attisent ma curiosité, qui corrigeront ma culture générale, plus-tard-après-la-thèse quand j'aurais enfin le temps, me serviront pour mes cours.

À part ça, envie de reprendre le fil des billets ce matin pour cause de colère au réveil. Hé oui, le 22 octobre, hein. Guy Moquet, commémoration. Recommandations. Et foutage de gueule ministériel. Parce que les enseignants sont des fonctionnaires ils DOIVENT obéir. Ben voyons. Tant qu'on y est, à quand la récitation d'un cours pré-écrit à la gloire de notre valeureux chef d'État ? Histoire d'entretenir la fierté nationale, le patriotisme ?
J'ai aimé la chronique de Thomas Legrand (à réécouter ou lire sur cette page 7-10 du 22 octobre 2009). Qui précisait que G. Moquet n'était pas exactement un résistant. Un otage, fusillé pour l'exemple, en revanche oui. Une victime des exactions de l'occupant, toujours.

Mais les directives élyséennes et ministérielles m'ulcèrent. Alors, plutôt que de laisser les élèves dans l'ignorance de Guy Moquet, oui, lisons cette lettre. Et parlons de la construction de la mémoire, de la différence entre mémoire et souvenir. Parlons de propagande, qui se cache sous les oripeaux du patriotisme parfois. Avec les lycéens, on peut même commencer à étudier des articles de quelques historiens qui ont levé le sourcil sur cette obsession de la mémoire. Je sais bien que beaucoup de collègues mènent déjà ce genre de réflexion. Alors une ou deux références, pour ceux qui ont quitté les bancs de l'école depuis longtemps, pour ne pas être de petits soldats émouvants ou émus :

- Philippe Joutard, "La tyrannie de la mémoire", article de la revue l'Histoire, mai 1998 (consultable sur le site de l'histoire pour les abonnés, sinon me contacter par mail)
- P. Nora, Les lieux de mémoire, Gallimard, 1997
- plusieurs articles sur persee.fr en tapant en mots clés "historien" et "mémoire"

Il y a des quantités monstrueuses de références sur le sujet, mais je n'ai guère le temps de vous faire un tableau complet, là, maintenant. J'espère être pardonnée...

Et ces mots de Joutard pour conclure :
"En tout état de cause, nous n'avons pas le choix : dans un État de droit et une nation démocratique, c'est le devoir d'histoire et non le devoir de mémoire qui forme le citoyen. Car l'histoire si elle est fidèle à sa vocation, implique distance, remise en cause des stéréotypes et surtout débat et diversité des points de vue. Elle préserve du simplisme et du manichéisme, générateurs de haine et d'intolérance. Elle apprend la lucidité et l'esprit critique qui mettent à l'abris des illusionistes".

Boum.
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