Je ne vais pas continuer à vous raconter mes aventures à la BNF (quoique, j'aurais de la matière, entre la semaine dernière où j'étais coincée à une place en plein soleil, puisqu'il n'y a store sur les immenses baies vitrées qui font la façade de la BNF, ni lundi, jour de panne informatique totale en fin d'après-midi jusqu'à la fermeture, provoquant l'impossibilité de rendre informatiquement les ouvrages, de consulter le catalogue et de commander le moindre livre en magasin... ça a provoqué une jolie pagaille, notamment à la sortie vers 20 heures).
Non, je vais essayer de vous faire à nouveau des posts sérieux, ou presque, en vous causant de la façon choisie par beaucoup pour prendre d'assaut l'Élysée pour tenter de s'asseoir dans le fauteuil présidentiel.
On peut escalader les murs, la nuit en douce, assiéger la place avec forces troupes armées ou bien encore on s'y imagine déjà et on parle de Jules Ferry, de Jeanne d'Arc et de De Gaulle, comme si on était déjà assis dans le fauteuil.
Je vous le garantie, quand on veut faire de la politique (ce qui implique d'entrer dans l'histoire) en se créant une stature d'homme politique de taille, pas de meilleur moyen que de faire référence à l'histoire... De préférence la "grande" enfin celle des grands zhommes.
Effet garanti ! D'ailleurs c'est ce que font tous les politiques, il n'y a pas de hasard.
Plaisanterie à part, intéressons-nous un peu aux relations entre histoire et politique (mais quelle idée ! Hé oui, c'est le genre d'idées qui me vient quand j'écoute ma radio).
Parce que j'ai commencé par écouter Olivier Besancenot sur France Inter lundi dernier, et que j'ai ensuite fureté sur le net, trouvant une moisson abondante de sites et d'ouvrages sur les utilisations de l'histoire que fait un certain Nicolas S. Alors voyons un peu de quoi il retourne.
« Je n’écris pas pour catéchiser, pour recruter des adhérents à tel ou tel parti, mais pour instruire et renseigner. Je croirais déchoir à mes propres yeux si je me préoccupais, quand je prends la plume, du parti que tireront de mes écrits les politiques du jour, en France et à l’étranger. Que ces hommes au profit de leur cause, avec plus ou moins de bonne foi, c’est un ennui que je dois supporter avec calme. Ni leurs éloges, ni leurs injures ne me feront dévier de ma route. Si l’histoire est la politique du passé, ce n’est pas une raison, au contraire, pour qu’elle devienne l’humble servante de la politique ou plutôt des politiques du présent. Elle n’a de raison d’être que si elle dit en toute indépendance ce qu’elle croit être la vérité. Tant pis pour ceux que cette vérité blesse ! Ou plutôt tant mieux, car c’est peut-être une des conditions du progrès.» (14/07/1928, Albert Mathiez, extrait de sa préface à La Réaction thermidorienne, Paris, Colin, 1929.)
Choisir de faire référence à A. Mathiez pour un billet sur les relations entre politique et histoire pourrait paraître de la provocation, (A. Mathiez étant resté célèbre pour son engagement à gauche, champion connu de Robespierre) relève soit du culot monstre ou de l'inconscience. J'assume la première option. Il faut sans doute replacer cette citation dans son contexte, pour distinguer deux choses: le devoir de neutralité de l'historien pourtant marqué par ses croyances et ses opinions et la façon dont le discours de l'historien est lu, interprété, voire utilisé.
Ici, je ne vais pas disserter sur l'influence des opinions personnelles d'A. Mathiez sur son oeuvre, mais le fait que ce qu'il pointait du doigt était l'usage que l'on pouvait faire de son travail, de ses publications, notamment l'usage que les politiques pouvaient en faire, et là, ses propos sont parfaitement justifiés.
Je ne ferai pas le tour du sujet en un billet, mais juste le point sur quelques idées fondamentales, qui tournent autour de l'histoire avec un H et celle avec un h, qui semblent se faire la guerre. Ce genre de sujet devrait être traité plus systématiquement, indépendamment du fait que l'on aime ou non l'histoire. Il suffit d'écouter les journaux, de profiter de notre statut de citoyen en tenant à se faire une opinion pour que la nécessité d'un vaccin contre les abus de l'utilisation de l'histoire, en politique, dans la presse ou dans la rue, soit une nécessité vitale (quoi, j'en fais encore trop?).
On distingue souvent dans les conversations la Graaande histoire et la petite (histoire). La Grande Histoire, c'est la sérieuse, celle des Grands (z)Hommes et des Grandes (z)Actions d'Éclat, et la supposée "petite histoire", anecdotique, faite d'histoires d'alcôve, de détails, sans importance pense-t-on, qui font toutefois les délices des conversations.
Or, il n'y a dans l'histoire des historiens (enfin les vrais, pas ceux qui écrivent n'importe quoi et publient n'importe où) ni petite ni grande histoire, mais des sujets différents, qui intéressent l'histoire politique, ou l'histoire culturelle, ou autre. La reddition de Vercingétorix peut être traité comme sujet d'histoire politique (une étape essentielle dans le parcours de Jules César, ou une étape essentielle, en prenant l'autre bout de la lorgnette, de la vie des populations celtes, et des Gaules), en histoire culturelle (comment la mémoire d'Alesia et l'épopée de Vercingétorix, sur lequel on ne sait quasi rien, est restée dans l'histoire nationale, quand ce moment et cette épopée ont été remises en valeur (surtout sous Napoléon III et dans les écoles de la IIIe République dans la foulée), au mépris de l'exactitude historique).On sait ainsi l'usage que la IIIe République a fait de quelques figures historiques (Vercingétorix, mais aussi Clovis, Jeanne d'Arc, Louis XIV,...) pour créer ou renforcer un sentiment national dont on croyait que c'était son absence qui expliquait la défaite de 1870. D'où l'importance donnée à l'enseignement de l'histoire et de la géographie dans les écoles de la fin du XIXe siècle. On voit alors s'épanouir une littérature scolaire dont le fleuron reste Le tour de France par deux enfants, de G. Bruno.
Mais depuis, les politiques continuent à utiliser l'histoire, ce qui donne le sentiment de l'existence d'une "grande histoire", nationale et politisée surtout, qui alimente les convictions des extrêmistes de droite comme de gauche qu'on leur cache tout et qu'on ne leur dit rien, car cette prédominance de quelques grandes figures masque une réalité souvent complexe, ignorée du grand public. Il faut aussi préciser que les approximations de beaucoup de journalistes, fait reprendre beaucoup de clichés, auxquels l'histoire semble se résumer. En d'autres termes, être vacciné contre l'usage de l'histoire par les politiques, les journalistes ou Monsieurtoutlemonde, sert à rester sourd à bon nombre de bêtises, et à éviter de tomber dans les pièges des orateurs. Je ne crois pas en effet que l'histoire doive servir à quelque chose, elle ne permet que l'apprentissage d'une relative sagesse, l'absurdité de la xénophobie par exemple, elle est juste une façon d'aimer les gens, d'aujourd'hui comme d'hier. Enfin c'est ainsi que je la conçois.
Alors si le sujet vous intéresse, voici un ouvrage (que je dois m'empresser de feuilleter quand j'aurai un peu d'argent et de temps, je vous en donnerai des nouvelles), sur l'utilisation politique de l'histoire par Nicolas S. : "Comment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France", sous la direction de Laurence De Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt & Sophie Wahnich, éd. Agone, 208 p. 15 euros, dont voici un commentaire (je vous recommende celui disponible sur le site des Clionautes, http://www.clionautes.org/spip.php?article2046) : "Au fil des pages et des articles, une explication se dessine. Particulièrement inspiré par la IIIème République, les scribes du président vont chasser aussi bien sur les terres de gauche avec Ferry, Jaurès et Condorcet que de droite avec Jeanne d'Arc, Barrès et Maurras."
Il est précisé sur le site des Clionautes: "Publié par les éditions Agone avec le comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire, cet ouvrage réunit cinquante contributions de différents auteurs qui ont rassemblé sous forme de dictionnaire critique différentes références à l’histoire de France." Ce qui est amusant, c'est que je suis allée sur le site du Comité de vigilance, et j'ai tapé les mot "Ségolène Royal" et "Besancenot". Le premier m'a renvoyé peu d'analyses critiques de l'usage que la première fait de l'histoire, et rien sur le deuxième, qui aime pourtant faire référence aux révolutions de 1789, de 1830, de 1870. Bizarre, non? (Comment ? Qu'est-ce que vous êtes en train de penser? Que ce site ne serait pas, lui non plus, totalement objectif? Qu'il est mal placé dans ce cas pour faire la leçon? Alors là, vous êtes vraiment de mauvais langues, de vrais péripatétiglottes!... C'est quoi ça, péripatétichose, c'est de la xyloglotte, allez voir là)
Non, je vais essayer de vous faire à nouveau des posts sérieux, ou presque, en vous causant de la façon choisie par beaucoup pour prendre d'assaut l'Élysée pour tenter de s'asseoir dans le fauteuil présidentiel.
On peut escalader les murs, la nuit en douce, assiéger la place avec forces troupes armées ou bien encore on s'y imagine déjà et on parle de Jules Ferry, de Jeanne d'Arc et de De Gaulle, comme si on était déjà assis dans le fauteuil.
Je vous le garantie, quand on veut faire de la politique (ce qui implique d'entrer dans l'histoire) en se créant une stature d'homme politique de taille, pas de meilleur moyen que de faire référence à l'histoire... De préférence la "grande" enfin celle des grands zhommes.
Effet garanti ! D'ailleurs c'est ce que font tous les politiques, il n'y a pas de hasard.
Plaisanterie à part, intéressons-nous un peu aux relations entre histoire et politique (mais quelle idée ! Hé oui, c'est le genre d'idées qui me vient quand j'écoute ma radio).
Parce que j'ai commencé par écouter Olivier Besancenot sur France Inter lundi dernier, et que j'ai ensuite fureté sur le net, trouvant une moisson abondante de sites et d'ouvrages sur les utilisations de l'histoire que fait un certain Nicolas S. Alors voyons un peu de quoi il retourne.
« Je n’écris pas pour catéchiser, pour recruter des adhérents à tel ou tel parti, mais pour instruire et renseigner. Je croirais déchoir à mes propres yeux si je me préoccupais, quand je prends la plume, du parti que tireront de mes écrits les politiques du jour, en France et à l’étranger. Que ces hommes au profit de leur cause, avec plus ou moins de bonne foi, c’est un ennui que je dois supporter avec calme. Ni leurs éloges, ni leurs injures ne me feront dévier de ma route. Si l’histoire est la politique du passé, ce n’est pas une raison, au contraire, pour qu’elle devienne l’humble servante de la politique ou plutôt des politiques du présent. Elle n’a de raison d’être que si elle dit en toute indépendance ce qu’elle croit être la vérité. Tant pis pour ceux que cette vérité blesse ! Ou plutôt tant mieux, car c’est peut-être une des conditions du progrès.» (14/07/1928, Albert Mathiez, extrait de sa préface à La Réaction thermidorienne, Paris, Colin, 1929.)
Choisir de faire référence à A. Mathiez pour un billet sur les relations entre politique et histoire pourrait paraître de la provocation, (A. Mathiez étant resté célèbre pour son engagement à gauche, champion connu de Robespierre) relève soit du culot monstre ou de l'inconscience. J'assume la première option. Il faut sans doute replacer cette citation dans son contexte, pour distinguer deux choses: le devoir de neutralité de l'historien pourtant marqué par ses croyances et ses opinions et la façon dont le discours de l'historien est lu, interprété, voire utilisé.
Ici, je ne vais pas disserter sur l'influence des opinions personnelles d'A. Mathiez sur son oeuvre, mais le fait que ce qu'il pointait du doigt était l'usage que l'on pouvait faire de son travail, de ses publications, notamment l'usage que les politiques pouvaient en faire, et là, ses propos sont parfaitement justifiés.
Je ne ferai pas le tour du sujet en un billet, mais juste le point sur quelques idées fondamentales, qui tournent autour de l'histoire avec un H et celle avec un h, qui semblent se faire la guerre. Ce genre de sujet devrait être traité plus systématiquement, indépendamment du fait que l'on aime ou non l'histoire. Il suffit d'écouter les journaux, de profiter de notre statut de citoyen en tenant à se faire une opinion pour que la nécessité d'un vaccin contre les abus de l'utilisation de l'histoire, en politique, dans la presse ou dans la rue, soit une nécessité vitale (quoi, j'en fais encore trop?).
On distingue souvent dans les conversations la Graaande histoire et la petite (histoire). La Grande Histoire, c'est la sérieuse, celle des Grands (z)Hommes et des Grandes (z)Actions d'Éclat, et la supposée "petite histoire", anecdotique, faite d'histoires d'alcôve, de détails, sans importance pense-t-on, qui font toutefois les délices des conversations.
Or, il n'y a dans l'histoire des historiens (enfin les vrais, pas ceux qui écrivent n'importe quoi et publient n'importe où) ni petite ni grande histoire, mais des sujets différents, qui intéressent l'histoire politique, ou l'histoire culturelle, ou autre. La reddition de Vercingétorix peut être traité comme sujet d'histoire politique (une étape essentielle dans le parcours de Jules César, ou une étape essentielle, en prenant l'autre bout de la lorgnette, de la vie des populations celtes, et des Gaules), en histoire culturelle (comment la mémoire d'Alesia et l'épopée de Vercingétorix, sur lequel on ne sait quasi rien, est restée dans l'histoire nationale, quand ce moment et cette épopée ont été remises en valeur (surtout sous Napoléon III et dans les écoles de la IIIe République dans la foulée), au mépris de l'exactitude historique).On sait ainsi l'usage que la IIIe République a fait de quelques figures historiques (Vercingétorix, mais aussi Clovis, Jeanne d'Arc, Louis XIV,...) pour créer ou renforcer un sentiment national dont on croyait que c'était son absence qui expliquait la défaite de 1870. D'où l'importance donnée à l'enseignement de l'histoire et de la géographie dans les écoles de la fin du XIXe siècle. On voit alors s'épanouir une littérature scolaire dont le fleuron reste Le tour de France par deux enfants, de G. Bruno.
Mais depuis, les politiques continuent à utiliser l'histoire, ce qui donne le sentiment de l'existence d'une "grande histoire", nationale et politisée surtout, qui alimente les convictions des extrêmistes de droite comme de gauche qu'on leur cache tout et qu'on ne leur dit rien, car cette prédominance de quelques grandes figures masque une réalité souvent complexe, ignorée du grand public. Il faut aussi préciser que les approximations de beaucoup de journalistes, fait reprendre beaucoup de clichés, auxquels l'histoire semble se résumer. En d'autres termes, être vacciné contre l'usage de l'histoire par les politiques, les journalistes ou Monsieurtoutlemonde, sert à rester sourd à bon nombre de bêtises, et à éviter de tomber dans les pièges des orateurs. Je ne crois pas en effet que l'histoire doive servir à quelque chose, elle ne permet que l'apprentissage d'une relative sagesse, l'absurdité de la xénophobie par exemple, elle est juste une façon d'aimer les gens, d'aujourd'hui comme d'hier. Enfin c'est ainsi que je la conçois.
Alors si le sujet vous intéresse, voici un ouvrage (que je dois m'empresser de feuilleter quand j'aurai un peu d'argent et de temps, je vous en donnerai des nouvelles), sur l'utilisation politique de l'histoire par Nicolas S. : "Comment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France", sous la direction de Laurence De Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt & Sophie Wahnich, éd. Agone, 208 p. 15 euros, dont voici un commentaire (je vous recommende celui disponible sur le site des Clionautes, http://www.clionautes.org/spip.php?article2046) : "Au fil des pages et des articles, une explication se dessine. Particulièrement inspiré par la IIIème République, les scribes du président vont chasser aussi bien sur les terres de gauche avec Ferry, Jaurès et Condorcet que de droite avec Jeanne d'Arc, Barrès et Maurras."
Il est précisé sur le site des Clionautes: "Publié par les éditions Agone avec le comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire, cet ouvrage réunit cinquante contributions de différents auteurs qui ont rassemblé sous forme de dictionnaire critique différentes références à l’histoire de France." Ce qui est amusant, c'est que je suis allée sur le site du Comité de vigilance, et j'ai tapé les mot "Ségolène Royal" et "Besancenot". Le premier m'a renvoyé peu d'analyses critiques de l'usage que la première fait de l'histoire, et rien sur le deuxième, qui aime pourtant faire référence aux révolutions de 1789, de 1830, de 1870. Bizarre, non? (Comment ? Qu'est-ce que vous êtes en train de penser? Que ce site ne serait pas, lui non plus, totalement objectif? Qu'il est mal placé dans ce cas pour faire la leçon? Alors là, vous êtes vraiment de mauvais langues, de vrais péripatétiglottes!... C'est quoi ça, péripatétichose, c'est de la xyloglotte, allez voir là)
Un citoyen averti en vaut deux, non ?
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