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Une envie de livres ?

08/11/2009

La vie fabuleuse (ou pas)... suite (3)


Moniteur, vous faites les mêmes travaux dirigés qu'un maître de conférence, à ceci près que ce sont les premières années, on apprend donc le métier sur le tas. Il y a bien les formations du CIES (centre d'initiation à l'enseignement supérieur), qui m'ont appris comme l'IUFM des trucs périphériques au métier, pas inutiles mais bien périphériques dans la plupart des cas. Avantage du CIES sur l'IUFM: pas de dogmatisme. Rien que ça rend supportable les formations du CIES. Mon tuteur en monitorat, j'avoue, n'a pas tutoré grand chose. J'ai même oublié que j'en avais un jusqu'à redécouvrir son existence et me poser des questions sur son rôle en ressortant mes contrats quelque temps après la fin dudit monitorat ("Oh! C'était lui mon moniteur ? J'en avais donc un ?! Hannn...")

Bon, pour l'achat de livres, vous attendrez toujours d'être titulaire. Mais maintenant tout cela, allocation et monitorat a été remplacé par le nouveau contrat doctoral, bien mieux. Le salaire est le même, la charge de cours, la même. Mais le nom a changé. Le marketing embellit non seulement les murs de votre RER préféré, mais aussi votre vie à VOUS. Merveilleux, non ?

Après vos trois ans d'allocataire-moniteur, vous postulerez pour être attaché temporaire à l'enseignement et à la recherche. Candidater à l'aveugle dans toute la France, pendant plus d'un mois, ne faire qu'envoyer des dossiers, tous différents sinon ce n'est pas drôle, croiser les doigts pour être appelé, pris, à n'importe quel prix. Et là le même jeu recommence. Un salaire qui vous fait dire, qu'assistante maternelle, c'est bien aussi, comme boulot. Pas besoin de diplômes, pas besoin de quitter conjoint et enfants deux, trois, quatre jours par semaine sans revenir à la maison, pour aller donner les cours et participer aux quelques tâches administratives naturellement comprises dans votre royale rémunération.

À propos de charge de cours, vacataire, moniteur ou ATER, en fonction des collègues, vous serez pris pour l'imbécile de service - entendez, on vous refilera tous les cours et TD (travaux dirigés) qu'aucun titulaire n'a envie de faire - ou bien convenablement traité. Exemple, cette année j'ai plutôt de la chance. Mais vous pouvez avoir un TD dans une matière, un second dans une autre, un cours là à des spécialistes, sur un sujet mortel mais nécessaire, un autre cours ici à des non-spécialistes... Ou alors un TD un mardi, et l'autre le vendredi. Naturellement, vous habitez à une heure, deux heures, trois heures ou plus de l'université, parce que vous avez la mauvaise idée de ne pas être célibataire ou marié à un conjoint au foyer. Le top étant de faire venir un contractuel habitant à six cents kilomètres, pour un mi-temps qui compte deux heures sur un site, trois heures sur un autre. Ah oui, parce qu'une université peut avoir des antennes, et c'est à vos frais que vous vous rendrez d'une antenne à l'autre.

Le luxe absolu, est de faire quatre fois le même TD à des premières années. Vous avez l'impression de bégayer affreusement d'un groupe à l'autre, mais pédagogiquement, c'est réellement bon, et là je n'ironise pas, vous apprenez à corriger vos erreurs, et en plus vous n'avez pas quatre préparations à faire en même temps. Ça peut arriver. Comme vous pouvez trouver une université qui rembourse une petite partie de vos frais de transport, propose un logement à ses enseignants – et pas la chambre d'hôtel à 50 euros la nuit- et aménage votre emploi du temps sur deux jours ou même un seul. Comme quoi, vous pouvez avoir de la chance. Pour de vrai. C'est rare, mais ça arrive.

Ça ne vous épargnera pas, pour autant de devoir boucler votre thèse au plus vite. Tout en sachant bien, que si votre thèse n'est pas ébourriffante, vous aurez peu de chance d'être classée par une université, bref, peu de chance d'obtenir un poste de maître de conférence. C'est la quadrature du cercle, une thèse terminée, de bonne qualité, en quatre ou six ans, en ayant géré en quelques années plusieurs centaines d'étudiants. Là, ne croyez pas que ce sera tout rose, les titulaires croulent pour les plus consciencieux, sous les charges administratives en sus de leurs fonctions d'enseignants-chercheurs. Si dans ces conditions, ces chères têtes plus très blondes assises sur les strapontins des amphis viennent chouiner après un cours que la fac c'est vraiment trop dur, vous avez le droit de leur répondre avec un sourire hargneux chargé d'années de galère de thésard contractuel, que « ya pas de raison que vous ne morfliez pas, vous aussi! ». La boucle est bouclée.

PS 1 : Maintenant, si vous êtes un étudiant, cher lecteur, vous savez pourquoi on est rosse avec vous. Vous vous coucherez moins bête, même si on est dimanche et que vous ne pouvez pas profiter d'ordinaire, en ce jour, de notre mirifique savoir. (<--- ceci est de l'humour, pour ceux qui ont l'esprit bouché). PS 2 : Vous voyez, je ne suis pas souvent là, mais quand je reviens, bigre... n'est-il pas ?
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La vie fabuleuse (ou pas) suite... (2)

À ce jeu-là, donc, au bout de dix ans, si vous ne vous êtes pas démené pour trouver en plus de vos quinze ou dix-huit heures de cours en collège ou lycée, des vacations à l'université, personne ne vous connaît dans le supérieur à part votre directeur de thèse, et là... Faire des vacations, c'est être le précieux bouche-trou qui remplace au pied-levé un enseignant malade pour plusieurs semaines, ou un autre qui vient d'obtenir un congé pour x raisons. Sans vacation, eh bien, vous n'intéressez personne. Sans expérience d'enseignement dans le supérieur, votre épaisse thèse servira tout au plus à atteindre les pots de confiture en haut des placards de la cuisine.

Et si vous n'avez pas l'agrégation, il y en aura toujours pour vous dire « Ah! Vous n'êtes pas agrégé(e) ? Ah mais c'est très fâcheux, cela... C'est dommage, vraiment dommage. Une carrière dans le supérieur, sans agrégation, vous n'y pensez pas! ». D'autres vous diront « Vous êtes agrégé(e) ? Ah c'est parfait! Et combien d'années dans le secondaire ? Aucune ? Alors vous n'avez aucune chance, à l'heure actuelle, il vous faut une expérience dans le secondaire! Comment ? Vous dépendez une académie lointaine et pour enseigner dans le secondaire, il vous faudra quitter toutes les semaines votre conjoint et vos enfants? Mais oui mon petit monsieur/ma petite dame, mais que voulez-vous... Demandez votre mutation! Ah vous serez muté(e) dans une ZEP dont personne ne veut et vous, pas plus que les autres, d'autant qu'avec une thèse en poche, vous pleurez à cette perspective ? ». En fait, cette conversation est suréaliste, elle s'arrête avant que vous n'ayez eu le temps d'objecter quoi que ce soit. Pas le temps.

Si par bonheur, vous obtenez un allocation de recherche à l'université, dites-vous tous les matins que vous avez une chance fabuleuse. Si, si, répétez-vous ça. Payé pour faire sa thèse, le pied ! Parce qu'effectivement c'est une chance.

Bon, parmi ceux qui vous féliciteront, professeurs et maîtres de conférence de votre université, personne ne pensera que le montant de l'allocation permet tout juste en région parisienne, une fois payé loyer, impôts, assurance, carte de transport, et autres basses nécessités matérielles (dans laquelle je ne comprends pas des paires de Louboutin ni même un manteau neuf tous les trois ans) d'aller manger aux restos du coeur ou d'aller récupérer à la mairie votre colis alimentaire.

Vous renoncerez naturellement à faire l'acquisiton de tout livre, même les basiques que vous n'avez jamais pu vous acheter parce que vous étiez boursier ou non, en tout cas étudiant sans le sou – et que la bourse d'agrégation, sur critère de mérite, a été donnée à un autre dont les parents avaient des revenus
très suffisants, pas comme les vôtres, un autre qui s'est découvert une vocation pour le collège et n'a rigoureusement aucune envie de faire une thèse ni d'enseigner à l'université. Mais ça a changé, maintenant il paraît que les critères sociaux sont aussi pris en compte pour les bourses d'agrég. Mais l'administration n'ayant jamais à se justifier auprès des candidats, dans les faits, je serais curieuse de savoir ce que cela a changé. Quoiqu'il en soit, comme vous n'avez pas eu cette bourse vous pouvez en être toujours à rembourser l'argent que de la famille ou des amis vous ont prêté il y a longtemps, pour faire ou terminer vos études.

Bref, ce qui tombe bien, c'est qu'au prix exorbitant auquel vous payez votre inscription annuelle à l'université – que vous ne fréquentez pas, vu que le laboratoire est fantôme, il n'y a même pas un local vide qui fasse illusion; université que vous ne fréquentez donc pas sauf pour un rendez-vous de loin en loin avec votre directeur de recherche, le patron, en un mot – vous gagnez de ce fait le droit d'aller au prix de longs trajets en métro/RER, consulter ou emprunter gratuitement tous les livres dont vous avez besoin. C'est déjà une chance. Votre vie est remplie de chances, il faut se le répéter.

Du coup, parce que vous calculez qu'éviter les restau du coeur ce serait bien, vous postulez en sus de votre allocation, pour un monitorat, initiation à l'enseignement dans le supérieur, de l'ordre du tiers d'un temps plein. Là, vous êtes royalement payé 270 euros net - ce qui revient pour l'université à deux fois moins cher pour un temps de travail équivalent, qu'un salaire de maître de conférence – et vous réussissez à remplir tout seul votre frigo et les placards de votre cuisine. Pour les repas du midi, en bibliothèque, salle d'archives ou ailleurs, vous continuerez à préparer votre salade ou gamelle thermos.

L'éducation national et la recherche ne connaissant toujours pas une magnifique invention appelée chèque restaurant. En revanche, dans le monde merveilleux de l'éducation, on connaît très bien le système des marchés publics, grâce auquel vous payez votre sandwich/pomme/yaourt près de 10 euros à la cafét de la BNF. Pas de concurrence, mais un groupe de restauration qui a remporté le monopole de l'approvisionnement alimentaire des usagers du grand Boulevard (N)Moquettisé Français.
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La vie fabuleuse (ou pas) du thésard en sciences humaines (1)

En ce moment, je suis fatiguée. Pas seulement fatiguée physiquement, merci j'ai à peu près bien dormi. Il s'agit plutôt d'une fatigue liée à l'absence de divertissement au sens pascalien du terme. Le travail six jour sur sept y est probablement pour beaucoup. La tâche répétitive qui m'occupe en ce moment aussi.

Je rêve d'un samedi à faire le ménage, bricoler, cuisiner, bouquiner, ne rien faire. J'ai entendu l'annonce de la mort de Lévi-Strauss. J'ai réussi à caser l'écoute partielle - inachevée, trop fatiguée ce soir-là, je ne comprenais plus rien - d'un grand historien, Jean Delumeau, qui parlait il y a près de quinze jours, des peurs collectives en Occident, dans l'émission de J.-N. Jeanneney. J'ai raté des tas de ça peut pas faire de mal, et j'en pleurerais. Mon emploi est tellement serré que j'ai même beaucoup de mal à trouver dans une pauvre semaine juste une demie-heure pour passer en coup de vent à la bibliothèque municipale afin d'y emprunter un ou deux bons romans, histoire d'occuper mes trajets, enfin ceux où je m'accorde le droit de ne pas travailler.

Fatiguée, bougon, pessimiste. Une année à ce rythme-là, je ne vais pas tenir. Ou alors, je ne vois pas comment. Et là dans le métro qui m'emportait vers la BNF, je maudissais ces traditions bien institutionnalisées qui veulent qu'une thèse se fasse en trois ans. Après zou, demande de dérogation à chaque réinscription. À l'extrême rigueur, en quatre ou cinq quand on a la chance d'avoir un CDD dans
une fac. Une thèse de sciences humaines, c'est volumineux, c'est long aussi.

Trois ans à temps plein, hummm, plutôt quatre ou cinq. Alors, quand on ne peut pas travailler à temps plein dessus, ça devient quatre, cinq années ou plus de cadences infernales. Parce que, détail fâcheux, il faut bien manger. Et payer ses impôts, ses assurances, s'habiller (un peu), payer un loyer et des tickets
de transports etc. Or, soit on reste dans le secondaire, soit on dégote un contrat dans une université.

En collège ou en lycée, il ne faut pas compter avancer vite. Les cours dévorent tout le temps la première année au moins. Voire encore un peu les années suivantes. Si on demande un congé pour formation, on ne l'obtient qu'après plusieurs années d'exercice et moults demandes annuelles. Alors on demande un temps partiel. Et l'on se serre la ceinture. Parce que si vos archives vous obligent à vivre en région parisienne (dans laquelle vous avez été muté comme tant de jeunes enseignants, sans que l'on tienne compte de vos voeux, « vous comprenez, vous êtes si nombreux et là, personne ne veut y aller » « moi non plus, ma brave dame, moi non plus, je ne voulais pas y aller dans votre collège ZEP ambition réussite ») il faut payer votre cage à lapin les yeux de la tête; pire encore, vous êtes au fin fond de la Picardie, ou dans la région de Dreux, là où non plus très peu d'enseignants pourvu de points souhaitent rester, il faut en plus débourser les aller-retour jusqu'à vos archives chéries, squatter le temps des vacances de la Toussaint/Noël/Printemps/ le canapé du copain de la fille dont le père est un des meilleurs amis de vos parents, ou le lit du copain du cousin parisien que vous ne voyez jamais sauf dans les réunions de famille décennales.

À ce jeu-là, une thèse se fait en dix ans environ. Autant dire que votre bibliographie, au bout des dix ans, vous pouvez vous la retaper, en rajoutant les actes de tous les colloques que vous avez manqués, parce que l'on ne peut pas être devant une classe de 6e et en même temps assis dans un amphithéâtre obscur et minuscule, aux places comptées, où d'éminents spécialistes, quelquefois mortellement ennuyeux, viennent vous expliquer en allemand, polonais, espagnol et italien, tout ce que vous ignorez de l'historiographie allemande, polonaise, espagnole ou italienne.

Comment, vos cours d'allemand, polonais, espagnol, italien sont loins ? Et les formations de langues de votre école doctorale, à quoi servent-elles ? Comment ? À rien ?! Non, à rien. Parce que soit vous êtes devant vos élèves et quand vous avez le temps, devant vos archives et vos bouquins, soit vous retravaillez votre allemand et votre espagnol. Enfin, quand le cours fait à la demande de l'école doctorale vous permet effectivement d'améliorer votre niveau dans la langue de votre choix. Il m'est arrivé de devoir subir un semestre de cours d'analyse linguistique anglaise rechangé à l'arrache en cours d'anglais tout court, parce que l'école doctorale avait négligé de prévenir l'enseignante qu'elle aurait affaire à des non-spécialistes, qui seraient là d'abord pour améliorer leur vocabulaire, reprendre quelques bases, comprendre les intervenants d'un colloque, savoir parler à un colloque sans faire pouffer de rire les auditeurs, comprendre les questions qu'une éminente spécialiste américaine ou suédoise fait à la suite de votre communication, et lire un bouquin de huit cent pages sans se décourager. Et si au lieu de ça, on nous avait délivré des cartes d'accès pour des laboratoires de langue, aux horaires élargis, ça n'aurait pas été aussi bien ? Et ne me dites pas qu'au lieu de râler j'aurais dû participer aux conseils universitaires comme représentant(e) des doctorants, je l'ai fait. Bouger le mamouth universitaire, non, mais vous voulez rire... Je me souviens m'être cassé le nez sur la simple constitution d'une liste des addresses électroniques des doctorants, pour faciliter les communications entre lesdits doctorants.
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