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Une envie de livres ?

08/11/2009

La vie fabuleuse (ou pas) suite... (2)

À ce jeu-là, donc, au bout de dix ans, si vous ne vous êtes pas démené pour trouver en plus de vos quinze ou dix-huit heures de cours en collège ou lycée, des vacations à l'université, personne ne vous connaît dans le supérieur à part votre directeur de thèse, et là... Faire des vacations, c'est être le précieux bouche-trou qui remplace au pied-levé un enseignant malade pour plusieurs semaines, ou un autre qui vient d'obtenir un congé pour x raisons. Sans vacation, eh bien, vous n'intéressez personne. Sans expérience d'enseignement dans le supérieur, votre épaisse thèse servira tout au plus à atteindre les pots de confiture en haut des placards de la cuisine.

Et si vous n'avez pas l'agrégation, il y en aura toujours pour vous dire « Ah! Vous n'êtes pas agrégé(e) ? Ah mais c'est très fâcheux, cela... C'est dommage, vraiment dommage. Une carrière dans le supérieur, sans agrégation, vous n'y pensez pas! ». D'autres vous diront « Vous êtes agrégé(e) ? Ah c'est parfait! Et combien d'années dans le secondaire ? Aucune ? Alors vous n'avez aucune chance, à l'heure actuelle, il vous faut une expérience dans le secondaire! Comment ? Vous dépendez une académie lointaine et pour enseigner dans le secondaire, il vous faudra quitter toutes les semaines votre conjoint et vos enfants? Mais oui mon petit monsieur/ma petite dame, mais que voulez-vous... Demandez votre mutation! Ah vous serez muté(e) dans une ZEP dont personne ne veut et vous, pas plus que les autres, d'autant qu'avec une thèse en poche, vous pleurez à cette perspective ? ». En fait, cette conversation est suréaliste, elle s'arrête avant que vous n'ayez eu le temps d'objecter quoi que ce soit. Pas le temps.

Si par bonheur, vous obtenez un allocation de recherche à l'université, dites-vous tous les matins que vous avez une chance fabuleuse. Si, si, répétez-vous ça. Payé pour faire sa thèse, le pied ! Parce qu'effectivement c'est une chance.

Bon, parmi ceux qui vous féliciteront, professeurs et maîtres de conférence de votre université, personne ne pensera que le montant de l'allocation permet tout juste en région parisienne, une fois payé loyer, impôts, assurance, carte de transport, et autres basses nécessités matérielles (dans laquelle je ne comprends pas des paires de Louboutin ni même un manteau neuf tous les trois ans) d'aller manger aux restos du coeur ou d'aller récupérer à la mairie votre colis alimentaire.

Vous renoncerez naturellement à faire l'acquisiton de tout livre, même les basiques que vous n'avez jamais pu vous acheter parce que vous étiez boursier ou non, en tout cas étudiant sans le sou – et que la bourse d'agrégation, sur critère de mérite, a été donnée à un autre dont les parents avaient des revenus
très suffisants, pas comme les vôtres, un autre qui s'est découvert une vocation pour le collège et n'a rigoureusement aucune envie de faire une thèse ni d'enseigner à l'université. Mais ça a changé, maintenant il paraît que les critères sociaux sont aussi pris en compte pour les bourses d'agrég. Mais l'administration n'ayant jamais à se justifier auprès des candidats, dans les faits, je serais curieuse de savoir ce que cela a changé. Quoiqu'il en soit, comme vous n'avez pas eu cette bourse vous pouvez en être toujours à rembourser l'argent que de la famille ou des amis vous ont prêté il y a longtemps, pour faire ou terminer vos études.

Bref, ce qui tombe bien, c'est qu'au prix exorbitant auquel vous payez votre inscription annuelle à l'université – que vous ne fréquentez pas, vu que le laboratoire est fantôme, il n'y a même pas un local vide qui fasse illusion; université que vous ne fréquentez donc pas sauf pour un rendez-vous de loin en loin avec votre directeur de recherche, le patron, en un mot – vous gagnez de ce fait le droit d'aller au prix de longs trajets en métro/RER, consulter ou emprunter gratuitement tous les livres dont vous avez besoin. C'est déjà une chance. Votre vie est remplie de chances, il faut se le répéter.

Du coup, parce que vous calculez qu'éviter les restau du coeur ce serait bien, vous postulez en sus de votre allocation, pour un monitorat, initiation à l'enseignement dans le supérieur, de l'ordre du tiers d'un temps plein. Là, vous êtes royalement payé 270 euros net - ce qui revient pour l'université à deux fois moins cher pour un temps de travail équivalent, qu'un salaire de maître de conférence – et vous réussissez à remplir tout seul votre frigo et les placards de votre cuisine. Pour les repas du midi, en bibliothèque, salle d'archives ou ailleurs, vous continuerez à préparer votre salade ou gamelle thermos.

L'éducation national et la recherche ne connaissant toujours pas une magnifique invention appelée chèque restaurant. En revanche, dans le monde merveilleux de l'éducation, on connaît très bien le système des marchés publics, grâce auquel vous payez votre sandwich/pomme/yaourt près de 10 euros à la cafét de la BNF. Pas de concurrence, mais un groupe de restauration qui a remporté le monopole de l'approvisionnement alimentaire des usagers du grand Boulevard (N)Moquettisé Français.
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