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Une envie de livres ?

27/09/2010

"Je n'ai pas eu le temps"

Tranquille, l'étudiant ne s'étend pas en explication. Il ne rougit même pas, ne se tortille pas sur sa chaise, au dernier rang. Non. Il n'a pas eu le temps. Donc il n'a pas fait le travail demandé. 

Je suis chargée, comme beaucoup d'enseignants du supérieur, au moins en histoire,  de travaux dirigés. Durant ces séances, on demande aux étudiants de passer au tableau pour présenter soit une dissertation soit un commentaire de document à l'oral. Le travail préparatoire a été fait à la maison, le sujet donné en début de semestre, soit au moins une semaine avant.

En quelques années d'enseignement, j'ai eu à peu près tout comme argument pour justifier un travail mal fait ou après coup, une absence le jour J : "j'étais malade", "ma grand-mère est décédée", "je n'ai fait qu'une introduction et un plan parce que je ne savais pas comment trop faire", "je n'ai pas réussi à faire grand chose, madame, parce que je n'ai pas trouvé de livre" (là-dedans, du vrai, du faux, il faut trier, sonder les reins et les coeurs, essayer de discerner le menteur et le sincère) ou bien l'absence pure et simple. Parce que les étudiants n'ont pas envie de passer à l'oral, souvent, simplement.

Le coup de l'absence juste parce que l'étudiant n'a pas envie de passer à l'oral, c'est simple, ça m'énerve. Parce que je déteste les lâches. Personne, à moins d'avoir un grain, n'aime passer devant les autres pour être observé, scruté, critiqué. Ce n'est pas agréable mais c'est nécessaire. Ça permet d'avoir l'air moins idiot quand au cours de sa vie, arrive le moment de prendre la parole devant les autres. Et tout bêtement, ça sert aussi à subir un oral, toujours utile de savoir quoi dire, comment se tenir lors d'un recrutement. Bref, cela revient à savoir assumer des obligations d'adulte responsable. 

Mais l'argument simple, froid, presque détaché "Je n'ai pas eu le temps" et c'est tout, je ne me souviens pas l'avoir déjà eu. J'en suis restée abasourdie. Pas longtemps, parce que mon mauvais caractère m'a fait voir rouge très vite. Pas la peine d'élever la voix pour autant.

Je me demande si ce n'est pas un fait nouveau. J'ai peut-être un esprit parfois négatif, mais jamais je n'aurais osé dire tranquillement "Je n'ai pas eu le temps". Je serais venu éventuellement le dire à l'enseignant, au début de la séance, rouge de confusion, si une catastrophe m'avait empêché pendant toute la semaine précédente de faire mon travail. J'aurais travaillé la nuit, s'il l'avait fallu, pour être prête à l'heure dite. Je n'ai pas non plus souvenir qu'aucun camarade ait un jour déclaré cela, et je ne suis pas si vieille. 

À se demander si certains jeunes d'environ 18 ans ont aujourd'hui intégré ce que signifiaient les mots "obligation", "devoir", "rendez-vous", "convocation". Je les avais quand ils étaient au collège au début de ma carrière, eux ou ceux de leur génération. Ils ne me sont pas inconnus. Mais quelque chose m'a échappé dans leur évolution. 

Qu'est-ce que j'adorerais me planter devant les étudiants et leur déclarer "Au fait, je n'ai pas eu le temps de préparer  mes cours, j'avais d'autres impératifs cette semaine. Hein, vous avez un examen à la fin du semestre, et alors?"


Dire qu'en ce moment, la thèse est rangée, je passe mon temps à préparer les cours, les donner, les préparer. Là, j'ai pris le temps d'un billet, j'ai royalement une semaine d'avance. J'ai dit un jour que j'aimais enseigner, moi ? Ah oui. À cet instant-là de ce TD-là, un petit peu moins. Ce ne sont que quelques étudiants. Espérons qu'ils resteront marginaux.
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