Une envie de livres ?
11/11/2008
11 novembre 2008, 90 ans après.
J'ai un attachement particulier pour ce jour-là, pour la Grande Guerre comme on l'a appelée. Peut-être parce que je pense alors à mon grand-père maternel, et aussi à mon grand-père paternel, qui ont chacun vécu la guerre très différemment et pas exactement comme les autres fantassins.
Fait du hasard, mon grand-père maternel est le seul de mes grands-parents à avoir vécu assez vieux pour que je le connaisse, même s'il est mort quand j'avais deux ou trois ans. Curieux pour un homme qui a failli être réformé, et qui a finalement servi comme infirmier, car "il avait la santé trop fragile" pour être soldat à proprement parler. On lui a toujours dit qu'il ne vivrait pas bien vieux.
Comme tant d'autres, il "n'en parlait jamais". Pourtant comme infirmier, il a dû en voir.
Mon autre grand-père, lui, a vécu la guerre sans tout à fait la faire: lui et ses camarades ont été faits prisonniers en 1914 dans le train qui les emmenait au front. Quatre ans de captivité. Une chance finalement, à un moment où la vie des pigeons voyageurs et des chevaux était plus précieuse que celle des hommes.
Pendant ce temps, ma grand-mère maternelle "qui n'était jamais passée entre deux chevaux" a dû apprendre à les atteler, et a dû faire les labours, et les récoltes... "Comme un homme!"
Folie des hommes. Mais on ne peut qu'être heureux des évolutions de l'historiographie qui nous permettent de savoir autre chose de celle que l'on a en vain rêvée comme la Der des Der, que les batailles. Des années 1970 à aujourd'hui, une multitude de travaux d'historiens a permis d'en savoir un peu plus sur le quotidien de ces hommes-là, dans la boue, la neige, la pluie et le froid, le cagnard, les tranchées, les puces et les rats, les bombes et le reste. Sur le quotidien de l'arrière, la propagande, la "brutalisation" de la société pour reprendre la formule de George Mosse. Si le sujet vous intéresse, commencez par ceci (un résumé historiographique de l'académie de Grenoble) ou cela (une présentation de l'ouvrage de réflexion sur l'historiographie de la Grande Guerre, par A. Prost et J. Winter, Penser la Grande guerre)
S'il y a un jugement un jour, je n'aimerais pas être à la place des grands officiers de 14-18. Même les animaux devraient être là pour les accuser.
Grâce à J.-J. Becker, on sait que les soldats ne sont pas partis la fleur au fusil, bien loin de là, à G. Pedroncini, que les "mutins" fusillés n'ont pas dans leur immense majorité refusé de se battre, quoiqu'en ait suggéré la récupération politique ultérieure.
Car entre les lamentables affirmations sur l'air "On nous cache tout on nous dit rien" des acteurs du film Indigènes de Rachid Bouchareb (selon lesquels on aurait caché le rôle des Indigènes pendant la guerre, z'ont pas dû être assidus en cours au collège ou au lycée ceux-là...), les récupérations politiques en tout genre de la Grande Guerre, il vaut mieux laisser de côté la plupart des commémorations officielles et se plonger dans de bons livres... Et aller visiter par exemple Douaumont (enfin, un autre jour) pour les photographies en 3D des tranchées...
À lire pour eux, pour qu'ils vivent dans nos mémoires:
* Barbusse, Le feu, 1917
* Dorgelès, Les croix de bois, 1919
* Genevoix, Ceux de Verdun, 1916-1921
* Norton Cru, témoins, 1929.
À voir ou à revoir,
Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick. Non pas document, mais évocation brillante des supposés mutins...
À lire ou à écouter l'intéressante interview de S. Audouin-Rouzeau (historien) et de Jean Rouaud (romancier) dans Télérama sur la difficile évocation de la Grande Guerre.
À tous ceux qui liront ce billet, pourriez-vous indiquer en commentaire comment dans votre famille 14-18 a été vécue ? Vos grands-parents, arrière-grands-parents, hommes et femmes... Merci...
Signé
la Souris des archives
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