Pendant que ronronne dans le poste
la voix de Sophie (elle raconte une histoire de co-détenu en préventive enfermé avec un assassin à tendance anthropophage), j'en profite pour vous parler d'un très beau téléfilm passé cette semaine dans la petite boîte à images :
Le doux pays de mon enfance, de Jacques Renard, avec Daniel Russo et Isabelle Renauld. Rien à voir avec le cinglé anthropophage dans le poste.
"Le doux pays de mon enfance" c'est, me disais-je au début de la séance, le genre de téléfilm devant lequel je comate le soir, quand je ne suis plus capable de rédiger une ligne de thèse (qu'est-ce qu'elles ont toutes à se mettre à sautiller, ces p*%£$§! de lignes, passé 20 h... !) sauf que là, au lieu de la bêtise qui m'exaspère au bout de cinq minutes, j'ai été enchantée jusqu'au bout...
Monique et Roger Joly sont mariés depuis 17 ans. Ils ont deux garçons et leur fille, Chloë, a déjà 16 ans. Directeur commercial estimé d'un garage de voitures de luxe, Roger est aussi un amoureux fou des mots et de la langue française. Un jour, pressé, il oublie de boucler sa ceinture de sécurité. Arrêté par la police, il subit un contrôle. Ses réponses laissent visiblement les policiers perplexes. Peu de temps après, il est convoqué chez le juge d'instruction. Il apprend alors qu'il est accusé d'avoir usurpé l'identité de Roger Joly. Le juge d'instruction affirme qu'il s'appelle en réalité Aziz Bensalah...Fipa d'or 2006 de la meilleure interprétation masculine pour Daniel Russo dans la catégorie «Fiction».
Le sujet était exceptionnel et surtout extraordinairement bien traité. Jamais manichéen, toujours sur la corde raide sans savoir si l'on est dans la vérité ou le mensonge; l'absurdité de la démarche de l'administration judiciaire, la réflexion sur l'identité nationale, l'assimilation...
Cela m'a fait repenser au projet d'autorisation des enquêtes sur les origines ethniques de la population française. Je n'ai toujours pas compris l'intérêt de ce genre d'enquête, je cherche, je cherche, pas moyen de comprendre. Et j'ai pensé très fort à quelques personnes de mon entourage en me demandant comment elles seront "classées":
- Ciboulette, qui se reconnaîtra: pas vraiment de papiers français, pas un parent ni grand-parents français, tous de quelque part au bord de la Méditerranée, et pourtant, il ne me viendrait pas à l'idée de ne pas la considérer comme Française (pour autant que la question ait de l'intérêt)
- un ancien collègue de mon mari. Appelons-le Mohamed. Enfant de l'assistance. Il aimait accompagner mon mari pour aller danser dans une guinguette du bord de la Marne, en terminant la soirée par un petite verre. Du genre absinthe le petit verre, à l'occasion.
Ces deux-là et tous les autres, où notre chère administration va-t-elle les caser ? Comme si la couleur des papiers d'identité avait de l'importance... Je ne sais pas moi, savoir si on cuisine à l'huile d'olive ou au beurre, ça c'est intéressant. Si on parle français, un dialecte régional ou étranger, à la maison, ça c'est intéressant. Si on consomme couramment des bananes plantains, du paneer ou du melfor. Bref, réfléchir un peu à ce qui fait l'identité d'un Français, d'un Chinois, ou d'un Péruvien, et aux questions de l'intégration, assimilation ou des modes de coexistances...
Pour le coup, je vais ressortir "L'identité de la France" de Fernand Braudel.
Et puis le "La mosaïque France" d'Yves Lequin et "Et si on faisait payer les étrangers?" de Jean-François Dubost. Voilà.
Pendant que mon mari s'inquiète à l'idée de devoir refaire sa carte d'identité. Hé, c'est que ses grands-parents ne sont nés ni Français ni en France. Et pendant ce temps-là, une de ses employées, origine d'Europe de l'Est, hors Union européenne, mais en France depuis l'âge de 14 ans et ayant grandi dans une famille d'accueil, n'arrive toujours pas à se faire naturaliser... Je vais bien, tout va bien...
Biblio:
Fernand Braudel,
L'identité de la France, Paris, Flammarion, 1993.
Yves Lequin,
La mosaïque France, Paris, Larousse, 1988 ou reéd. 2006,
Histoire des étrangers et de l'immigration en France.
Jean-François Dubost,
Et si on faisait payer les étrangers ? Louis XIV, les immigrés et quelques autres, Paris, Flammarion, 1999.
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