"De toutes façons, les archives sont numérisées, maintenant?
- Ah... non. Pas vraiment.
- Oui non mais la majorité l'est, vous n'avez plus à aller aux archives?
- Non, la majorité ne l'est pas, ce que l'on peut consulter par internet et bases de données reste rare.
- Ah bon? Mais je croyais que...
- En même temps, ce n'est pas bien grave."
Je ne compte pas le nombre de fois où j'ai eu ce genre d'échanges. Pourquoi la foule est-elle persuadée que l'historien travaille maintenant exclusivement derrière son écran, le chat sur les genoux, je n'en sais rien. À part que peu savent ce que veut vraiment dire "travailler sur des archives". Remarquez, moi, ici je ne parle pas de ceux qui passent leurs étés à quatre pattes dans des fouilles sous le soleil brûlant de Grèce ou de France (si, si), je vous entretiens dans l'illusion que les sources ne sont que des archives écrites sur papier ou parchemin...
Je vous passe l'anecdote très rigolote du vieux monsieur amateur (et charmant, je ne vous parlerai pas du vieux odieux comme on en croise quelques fois) qui, apprenant que vous allez vous rendre aux Archives nationales, pour telle recherche, se précipite:
"Ah, vous commencez une recherche! C'est très bien que des jeunes s'y mettent! Vous allez voir, ce n'est pas facile au début. Vous avez fait de la paléographie ? Et puis vous verrez, il faut apprendre à se repérer dans les cotes. Vous savez comment ça fonctionne au moins?"
La personne à côté de lui, qui connaît un peu plus ce que vous faites, a beau agiter les bras comme un sémaphore, tenter de reprendre la parole pour expliquer que vous êtes... comment dire, juste un peu habituée, même un peu professionnelle sur les bords... en pure perte. Ne reste plus qu'à prendre un sourire idiot (mais pas trop) et attendre qu'il ait fini son discours.
Donc toutes les archives ne sont pas numérisées et même avec la fortune de Bill Gates (vu qu'on ne fait pas payer à Windows les dégâts provoqués dans le golfe du Mexique par un système d'exploitation ultra-défectueux**) ça n'est pas pour demain.
En revanche, de nombreux outils sont apparus depuis dix ans, notamment sur le site de la BnF. Celui-ci renferme plusieurs trésors, mais il en est un en particulier, qui est à mettre en valeur: le catalogue des archives et manuscrits de la BnF (cliquez). Je ne suis pas très âgée, néanmoins je me souviens d'un temps (il y a dix ans de cela et même moins) où pour consulter les catalogues des manuscrits de la BnF, il fallait ou en trouver quelques exemplaires (souvent incomplets) dans une Bibliothèque universitaire, ou bien se déplacer sur les sites de la BnF à Paris. Et là commençaient des heures et des heures passées à compulser méthodiquement, patiemment, courageusement, des dizaines et dizaines de catalogues.
L'avantage, c'est que cela permettait de faire en peu de temps des mémoires de maîtrise et DEA qui suscitaient l'admiration: "Quoi! Vous avez réussi à dépouiller tous ces volumes! Mais la quantité de références que vous avez accumulée est prodigieuse!".
Car les fonds de manuscrits de Richelieu, de l'Arsenal ou de la Grande BnF (Tolbiac) sont effectivement immenses et méritent d'être davantage fréquentés. Souvent, quand on m'interroge sur mes sources, on est extrêmement étonné de m'entendre expliquer que j'ai trouvé des trésors en nombre incroyable à Richelieu, que ce site m'a fourni plus de sources que les Archives nationales. Longtemps il a fallu beaucoup de patience pour découvrir tout ce que recèlent ces fonds.
Mais la création du catalogue en ligne est un travail fabuleux, un travail de titan, parce que j'imagine les milliers d'heures et de journées qu'il a fallu passer à enregistrer correctement dans la base de données - le contenu des catalogues papier. Fabuleux, il l'est pour le chercheur. Imaginez que vous travailliez sur les prisonniers au 17e siècle, il suffit de taper le mot "prisonnier" dans le formulaire de recherches, avec les dates limites 1600-1700. La base mouline quelques secondes et tombent les références, dans tous les fonds de manuscrits de la BnF, ce qui donne à peu près cela: (cliquez sur les images pour agrandir)
Ça coince encore de temps en temps, d'accord. Mais dans l'ensemble, l'outil est fabuleux. Sans céder à un optimisme béat, il faut avouer que notre époque connaît quelques progrès très appréciables...
** Comme cela a été dit dans la presse depuis quelques jours, les alarmes avaient été désactivées sur la plate-forme, parce qu'elles avaient tendance à se déclencher à tort et à travers, dès qu'un ordinateur plantait. Et ces ordinateurs tombaient en rade en présentant l'écran bleu qui doit vous être familier si vous utilisez Windows... Voir ici sur le site du New York Times et encore là.
- Ah... non. Pas vraiment.
- Oui non mais la majorité l'est, vous n'avez plus à aller aux archives?
- Non, la majorité ne l'est pas, ce que l'on peut consulter par internet et bases de données reste rare.
- Ah bon? Mais je croyais que...
- En même temps, ce n'est pas bien grave."
Je ne compte pas le nombre de fois où j'ai eu ce genre d'échanges. Pourquoi la foule est-elle persuadée que l'historien travaille maintenant exclusivement derrière son écran, le chat sur les genoux, je n'en sais rien. À part que peu savent ce que veut vraiment dire "travailler sur des archives". Remarquez, moi, ici je ne parle pas de ceux qui passent leurs étés à quatre pattes dans des fouilles sous le soleil brûlant de Grèce ou de France (si, si), je vous entretiens dans l'illusion que les sources ne sont que des archives écrites sur papier ou parchemin...
Je vous passe l'anecdote très rigolote du vieux monsieur amateur (et charmant, je ne vous parlerai pas du vieux odieux comme on en croise quelques fois) qui, apprenant que vous allez vous rendre aux Archives nationales, pour telle recherche, se précipite:
"Ah, vous commencez une recherche! C'est très bien que des jeunes s'y mettent! Vous allez voir, ce n'est pas facile au début. Vous avez fait de la paléographie ? Et puis vous verrez, il faut apprendre à se repérer dans les cotes. Vous savez comment ça fonctionne au moins?"
La personne à côté de lui, qui connaît un peu plus ce que vous faites, a beau agiter les bras comme un sémaphore, tenter de reprendre la parole pour expliquer que vous êtes... comment dire, juste un peu habituée, même un peu professionnelle sur les bords... en pure perte. Ne reste plus qu'à prendre un sourire idiot (mais pas trop) et attendre qu'il ait fini son discours.
Donc toutes les archives ne sont pas numérisées et même avec la fortune de Bill Gates (vu qu'on ne fait pas payer à Windows les dégâts provoqués dans le golfe du Mexique par un système d'exploitation ultra-défectueux**) ça n'est pas pour demain.
En revanche, de nombreux outils sont apparus depuis dix ans, notamment sur le site de la BnF. Celui-ci renferme plusieurs trésors, mais il en est un en particulier, qui est à mettre en valeur: le catalogue des archives et manuscrits de la BnF (cliquez). Je ne suis pas très âgée, néanmoins je me souviens d'un temps (il y a dix ans de cela et même moins) où pour consulter les catalogues des manuscrits de la BnF, il fallait ou en trouver quelques exemplaires (souvent incomplets) dans une Bibliothèque universitaire, ou bien se déplacer sur les sites de la BnF à Paris. Et là commençaient des heures et des heures passées à compulser méthodiquement, patiemment, courageusement, des dizaines et dizaines de catalogues.
L'avantage, c'est que cela permettait de faire en peu de temps des mémoires de maîtrise et DEA qui suscitaient l'admiration: "Quoi! Vous avez réussi à dépouiller tous ces volumes! Mais la quantité de références que vous avez accumulée est prodigieuse!".
Car les fonds de manuscrits de Richelieu, de l'Arsenal ou de la Grande BnF (Tolbiac) sont effectivement immenses et méritent d'être davantage fréquentés. Souvent, quand on m'interroge sur mes sources, on est extrêmement étonné de m'entendre expliquer que j'ai trouvé des trésors en nombre incroyable à Richelieu, que ce site m'a fourni plus de sources que les Archives nationales. Longtemps il a fallu beaucoup de patience pour découvrir tout ce que recèlent ces fonds.
Mais la création du catalogue en ligne est un travail fabuleux, un travail de titan, parce que j'imagine les milliers d'heures et de journées qu'il a fallu passer à enregistrer correctement dans la base de données - le contenu des catalogues papier. Fabuleux, il l'est pour le chercheur. Imaginez que vous travailliez sur les prisonniers au 17e siècle, il suffit de taper le mot "prisonnier" dans le formulaire de recherches, avec les dates limites 1600-1700. La base mouline quelques secondes et tombent les références, dans tous les fonds de manuscrits de la BnF, ce qui donne à peu près cela: (cliquez sur les images pour agrandir)
Ça coince encore de temps en temps, d'accord. Mais dans l'ensemble, l'outil est fabuleux. Sans céder à un optimisme béat, il faut avouer que notre époque connaît quelques progrès très appréciables...
** Comme cela a été dit dans la presse depuis quelques jours, les alarmes avaient été désactivées sur la plate-forme, parce qu'elles avaient tendance à se déclencher à tort et à travers, dès qu'un ordinateur plantait. Et ces ordinateurs tombaient en rade en présentant l'écran bleu qui doit vous être familier si vous utilisez Windows... Voir ici sur le site du New York Times et encore là.
2 commentaires:
Bonjour
Je suis de vôtre opinion.
Mais beaucoup d'archives dites
modernes ne sont pas consultables !
Que dire des archives des villes
qui bien souvent trainent dans un
grenier.
Jean-Claude
C'est vrai, il y a encore beaucoup de fonds qui attendent des archivistes (et donc de l'argent pour payer le travail d'inventaire), et qui exigeraient dans l'immédiat d'être sauvés. Dans ce cas, il faut au moins en signaler l'existence aux Archives départementales du lieu...
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