Habiter Paris est une chance pour certaines choses, notamment pour la bibliothèque nationale. Ce grand machin (pour ne parler que du site de Tolbiac) a ceci de miraculeux que dès qu'une envie ou un besoin de consultation de livres apparaît, hop ! Dans la journée ou le lendemain, le besoin ou l'envie est assouvi, y compris lorsque cela concernait des livres rares et anciens. Je savoure ma chance, sachant bien que ça risque de ne pas durer toute la vie. Bref. Pour résumer, je ne suis rien qu'une veinarde, le pire, c'est que je le sais.
Mais la BnF, c'est aussi un grand machin où comme dans tous les grands machins l'on voit les pratiques les plus extrêmes se côtoyer. J'ai déjà dû vous parler ici de l'exaspération suscitée par la consultation très limitée dans le temps d'un ouvrage du 17e siècle. Ouaip. Euphémisme. Où l'on vous fait braire pour consulter pendant quelques heures un ouvrage énorme. Bienheureux êtes-vous si vous n'avez pas mésestimé la capacité de nuisance de votre prochain et que vous vous êtes équipé d'un appareil photo. Parce que l'autorisation de consultation exceptionnelle à la journée, non renouvelable est une chose qui est née d'un esprit dont la puissance m'échappe. Oui, je sais, raison de sécurité pour le précieux ouvrage. Je me prépare au jour où l'on refusera de sortir le moindre livre des magasins, parce que l'on estimera l'opération trop périlleuse.
Mais le hasard de la grande machine administrative m'a quand même permis de consulter dernièrement un ouvrage encore plus petit, encore plus ancien (d'accord juste plus vieux de dix ou vingt ans) que le précédent volume, sans même devoir le consulter sur une place de réserve, sans même que cette précieuse chose soit protégée par un emballage de papier gris. Et ce n'était pas la faute des magasiniers, avec lesquels j'ai discuté. Vous l'avez compris, rien ne m'agace plus que l'excès de précaution et l'oeil soupçonneux du conservateur qui pèse sur mon dos. Au cas où le thésard muterait brusquement en géant baveux et éructant, hache à la main, pour détruire ses ouvrages en consultation. Sait-on jamais. Mais je souffre pour cet ouvrage moins bien traité qu'un poche vieux de dix ans. Parce que la reliure des poches, ça casse quelquefois, et ça leur vaut une consultation dérogatoire et z'exceptionnelle. Voui voui voui. Un bug de l'administration gigantesque.
Je me suis aussi demandé récemment comment citer la page d'un article numérisé sans indication des numéros de page, publié uniquement sur un site internet. Certains esprits naïfs peuvent croire qu'un article en sciences humaines, c'est bâclé en deux pages. Que nenni. Au risque de vous décevoir, si besoin est, non, un article de sciences humaines est souvent plus long. Doit-on indiquer: "utiliser la fonction recherche, svp"? Un encore moins amical "Si vous cherchez un passage, débrouillez-vous?". À moins que l'on ne laisse le lecteur seul devant sa machine, ce qui ne changera guère ses habitudes, à l'ère de la solitude windosienne, associant fausses convivialités facebookiennes et isolement devant l'écran bleu. Si la disparition du livre me semble plus qu'improbable, une technique s'ajoutant souvent plus qu'elle ne remplace une autre, la disparition de la page (à taille humaine, pas les interminables pages informatiques) est plus désolante. Si elle n'a guère d'avenir, le bug informatique ou administratif a encore de beaux jours devant lui. Ça me collerait presque le cafard. Hahum.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire