J'ai fait des trouvailles fabuleuses, ce n'est déjà pas si mal. Me restera à partir de la rentrée le plus délicat, la rédaction. Paraît qu'à force de lire les sources du 17e siècle, à relever mot à mot divers textes en respectant orthographe et absence de ponctuation à la lettre, j'ai tendance dans mes premiers chapitres, à abuser de la litote et à négliger le principe fondamental que l'on répète aux étudiants "sujet, verbe, complément, point!". C'est triste, si,si, c'est triste. Être infoutu de respecter les dix commandements de l'historien (merci de ne pas me demander les neuf autres, c'était pour la formule).
La rédaction, or donc, est le plus difficile. Mais c'est ce que je préfère. C'est là que l'on fait le bilan de toutes les informations, que l'on compare avec ce qui est connu, que des "Bon sang, mais c'est bien sûr!" surgissent du tréfond du cerveau, qui rendent guilleret et bouleversent des certitudes. Restera à me débrouiller avec ma méfiance à l'égard de l'affirmation historique. Sans aller jusqu'au "je ne sais pas, je n'y étais pas!" qui a tendance à me hérisser légèrement le poil (oh! une litote... je vous le disais), il faut sauter le pas, au moins la première fois, de l'affirmation.
Toute certitude doit être étayée de preuves. Je ne vais pas m'étendre sur le rapport des historiens aux chiffres et aux statistiques, dont certains ont grandement abusé. On sait la stature intellectuelle d'un Pierre Chaunu - et il ne s'agit pas ici de la remettre en question - mais l'usage fait des statistiques dans certains de ses ouvrages, prenons La civilisation de l'Europe classique, laisse un peu à désirer: faute d'informations nécessaires en abscisse et en ordonnée, il est souvent difficile de lire les graphiques. Ça aère le texte, remarquez. Je dis cela, parce que je reste marquée par l'enseignement reçu au lycée en économie: il nous était formellement interdit de produire un graphique ou un tableau sans compléter tous les champs nécessaire pour la bonne compréhension de la chose produite, et sans phrase rédigée servant d'exemple de lecture.
Les premières fois où j'ai dû affirmer, j'ai eu beaucoup de mal. J'en ai toujours. La certitude de l'historien n'est souvent que l'hypothèse la plus plausible, car la seule qui résiste à l'épreuve de la confrontation des sources entre elles. En tout cas, garder le doute à l'esprit, la possibilité de l'erreur me semble plus prudent. Aujourd'hui encore, je préfère le conditionnel, la supposition.
Et si jamais le pithecanthropus erectus vivait dans un pavillon de banlieue, pétri de bonnes manières, jouait au tiercé, portant des cols durs, avant la guerre, avant que tout ne saute? Sait-on jamais...
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3 commentaires:
J'ai découvert votre blog récemment. Il est passionnant. Courage pour vos recherches. Vous la finirez cette thèse. Mais oui vous la finirez
Merci! Oui, j'espère bien la terminer... Non, je veux, et quand je dis "je veux"...
Pour l'emploi des statistiques par les historiens (par les sociologues aussi d'ailleurs), le problème réside dans leur absence de formation dans ce domaine en fait assez pointu. La faculté devrait faire un effort dans ce sens pour que celui qui se lance dans des calculs impressionants se pose quelques questions intelligentes comme les biais éventuels.
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