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Une envie de livres ?

31/12/2010

Travailler du chapeau

Près de dix jours d'isolement, pas dans la cave mais aux environs, pour pouvoir me remettre à la thèse. Ah le bonheur ! Dix heures de travail par jour, être hagarde tous les soirs, mais enfin avoir le temps d'écrire, de réfléchir, sans être interrompue. Je crois que je n'avais pas connu cette ardeur depuis la maîtrise. Une époque où je ne prenais même plus toujours le temps de faire des courses, ce qui m'a valu plus d'une fois la peine de découvrir à minuit que mon repas ne pourrait pas se composer d'autre chose qu'une tranche de pain à la mayonnaise. En même temps, à minuit, on s'en fiche. 
Bref, pour revenir à aujourd'hui, j'ai eu de merveilleuses pseudo-vacances...

Pendant lesquelles j'ai quand même trouvé le moyen de me demander ce qu'étaient un bataillon, un corps d'armée, une compagnie, tout ça il y a quelques siècles et lequel était plus grand que l'autre et comment tout ce machin s'emboîtait. J'ai bien essayé de me renseigner auprès de l'homme le plus proche, mais en pure perte. Bien la peine d'avoir fait un service militaire, rallongé, qui plus est. Bon d'accord, ça nous fait un petit décalage de quelques siècles. Bref, tout ça, sans oublier de compter combien de troufions ça faisait, sans oublier les fourriers, les trompettes et les trésoriers. Faites une thèse, qu'ils disaient... Il n'empêche que l'on manque cruellement d'études sur la question, très sérieusement.

Je rêve aussi de la fin de la thèse. Dans mon rêve, un proche (je ne préciserai pas qui pour son honneur) trouvait le moyen de me demander "et alors, le pain, il est cuit, depuis le temps?". Ce qui revenait sous la forme de blague à deux balles à savoir si ma thèse (qui porte notamment sur des histoires de pain) était achevée ou sur le point de l'être. Mouarf.

Le soir pendant le dîner, à la question "veux-tu encore de la soupe",  il m'arrive de grogner comme réponse "oui, mais non, il faut que j'aborde la chose sous un autre angle, quelque chose de plus original, ça tout le monde l'a fait, et en plus ça n'est que du recopiage de sources... (silence) Tu disais? Non et puis même Newton s'est trompé, c'est fou quand même, pas le Newton de la pomme, un autre, mais c'est tout de même désarmant, tant de boulettes dans les bouquins, même les meilleurs. À raison de cinq cents pages, combien de boulettes existeront dans ma thèse, à ton avis?" Je ne sais pas pourquoi mais j'obtiens à peine un intérêt poli en retour de mes questions.

Je n'aime pas les tableaux. Enfin si, c'est une chose précieuse pour gagner une page quand l'objectif est d'en faire dix minimum dans la semaine. Idéalement, je devrais viser les vingt pages, mais j'ai encore du mal. Mais avec les tableaux, il y a toujours un truc qui coince, s'il est trop grand, trop large, il faut que je réécrive mes commandes, tabularx ou longtable, telle est la question, sera-t-il flottant ou pas, et "caption", hein, "caption", ça va avec un flottant ou pas? Et puis moi j'ai des exigences, alors il faut apprivoiser les vbox pour faire rentrer du texte dans mes tableaux. En même temps, le résultat vaut la peine. J'aime LaTex.

Pourquoi, mais pourquoi je n'ai pas épousé un rentier, moi? Pourquoi faut-il retourner préparer des examens, les surveiller, rapporter des copies et re-préparer des cours? Monde cruel. D'autant plus que Claude Nicolet est mort et ça, ça me fiche le bourdon. Souvenirs des années passées à bûcher sur l'histoire romaine.

À part ça, il paraît que l'on a retrouvé la tête d'Henri IV. On en parle ici et . Enfin personne n'est sûr. Ce qui nous vaut une jolie empoignade entre partisans de la tête authentique et adversaires de la tête authentique : pourquoi aucun historien n'a t-il été sollicité pour ce travail d'authentification etc. [ce qui est faux d'ailleurs, Jean-Pierre Babelon, l'auteur de la seule biographie qui vaille sur Henri IV, ayant été associé au projet du docteur Charlier. Je corrige cette erreur que l'on m'a amicalement signalée.]
La grande question est de savoir si le crâne de Ritton a été scié (comme les embaumeurs de l'époque avaient manifestement coutume de le faire) ou pas. Le crâne authentifié n'ayant pas été scié, savoir si le vrai crâne l'a été changerait en effet la donne. En gros tout ce que l'on sait, c'est que le crâne que l'on possède aujourd'hui est probablement un crâne de la fin du 16e siècle ou du début du 17e siècle, que ses tissus sont bien conservés sans que le crâne n'ait été scié, qu'il a l'oreille percée (selon la mode masculine de l'époque), une cicatrice sur la lèvre supérieure (qui peut avoir été causé par un coup de couteau comme lors de l'attentat de Châtel) et qu'il porte un grain de beauté ou une petite lésion similaire sur l'aile du nef. Bref, ce que l'on appelle de éléments convergents. Mais peut-être pas assez pour avoir des certitudes d'autant qu'aucun tissu ne permet une analyse ADN (pour comparer avec quoi ou qui d'ailleurs). 

La chose drôle est que la querelle existante est fondée aussi sur des questions de méthode historique, elle-même lancée par des  historiens habitués soit à publier sur beaucoup de sujets, un peu trop de sujets d'ailleurs, soit plus amateurs d'émissions à sensation que de publications de qualité. 
Pour l'instant à ma connaissance, à part J.-P. Babelon, pas d'historiens universitaires ou du CNRS associés au projet, probablement parce qu'ils ne s'y intéressent pas vraiment. Cette tête même si elle est authentique, ne sert pas à grand chose pour la discipline historique, surtout s'il n'y a pas d'ADN exploitable. Bref, beaucoup de bruit pour rien.
Mine de rien, ces histoires d'embaumement sont intéressantes, plus sans doute que l'authentification de la tête. Je rêve d'ailleurs pour ma part une biographie récente, rigoureuse et solide en tout point sur notre Vert Galant national. Sur ce point, il est moins bien servi que Marguerite de Valois ou Marie de Médicis. La revanche du sort? ;-)



Bonne année quand même ! (Et si un mécène passe par là, qu'il n'hésite pas à toquer à la porte...)


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11 commentaires:

Marie a dit…

Tous mes voeux pour cette nouvelle année!

J'aime beaucoup quand vous parlez de votre thèse. Ca me fait à chaque fois revivre les merveilleux moments que j'ai passés lorsque j'ai essayé de faire un mémoire de maîtrise (j'espère trouver un jour le temps de reprendre des études, quand le petit sera plus grand). Je compatis à vos problèmes de bataillons, j'aurais cru qu'il était plus facile de trouver les explications permettant de s'y retrouver. Mon petit sujet portait sur des questions d'argent, or il se trouve par hasard que je suis comptable. Au début je pataugeais complètement mais, une fois que j'ai réussi à m'y retrouver dans les livres, deniers..., j'ai constaté à mon grand étonnement que les pratiques comptables étaient, dans les grandes lignes, les mêmes il y a 3 siècles qu'aujourd'hui et je me suis sentie beaucoup plus à l'aise que je ne l'aurais cru.

Bon, je vais arrêter de polluer votre blog en racontant ma vie. J'aurais juste encore une question: j'avais cru lire sur le net que Jean-Pierre Babelon avait été associé aux examens faits sur la supposée tête d'Henri IV? C'était erroné?

la Souris des archives a dit…

L'histoire des armées est loin d'être aussi avancée qu'on pourrait l'imaginer. Par exemple on ne sait pas grand chose sur les conditions de vie réelle, précises des soldats au 16e ou au 17e siècle. Quel est l'impact d'un passage de troupe ? Quels témoignages, quelles dégradations réelles ?

Pour les pratiques comptables, ce n'est pas moi qui vais vous contredire, chère Marie, la rigueur de la tenue des comptes m'a autant surprise. Cela m'irrite d'autant plus de lire encore et encore que sous l'Ancien Régime il y avait un fatras de réglementations contradictoires, dépassées, que la rigueur n'était pas fréquente. Alors que dans les faits...

Pour Babelon, vous avez raison et j'ai donc corrigé.

NAIF a dit…

J'espère que 2011 sera riche de nouvelles découvertes authentiques et pourquoi pas que d'authentiques experts prouveront que l'authentique Saint-Suaire a emballé l'authentique tête d'Henri IV ce qui a provoqué l'authentique apparition d'un barbu en négatif sur le dit suaire.

Pour vos problèmes de compagnies, voici quelques éléments épars. L'organisation militaire moderne est née au moment de la guerre de Trente Ans, soit durant la période que vous étudiez, si je ne me trompe.

Dans ce que vous citez, la compagnie est l'unité la plus petite. Elle est de nature à la fois administrative (solde, recrutement ...) et opérationnelle (engagement comme un tout au combat et en campagne). Au XVIIe, elle peut être indépendante ou rattachée à un régiment. Son commandement est une charge qui confère à son titulaire le devoir de recruter et d'entretenir sa troupe d'un volume variable (de moins de 100 à 200 hommes ou une cinquantaine de cavaliers).
Administrativement le régiment est l'unité plus importante sa taille est normalement fixée "à l'ordonnance". En France, le système a été formalisé en 1635 avec le passage au service de la France de nombreux régiments allemands et les armements réalisés contre l'Espagne. A cette époque le régiment es souvent une entreprise militaire dont le recrutement est assuré par son chef qui se loue ou se vend au plus offrant (système encore plus ou moins en vigueur au Royaume-Uni). Certains pays ou princes, en Allemagne et en Suisse se font une spécialité de ces entreprises.

Le bataillon est une unité uniquement opérationnelle intermédiaire (plusieurs compagnies d'un régiment, 500 à 1000 hommes). Un régiment peut détacher ses bataillons à plusieurs armées différentes lors d'une campagne.

De même la brigade est une unité purement opérationnelle qui rassemble plusieurs bataillons ou régiments.

Dans la cavalerie, le rôle du bataillon est joué par l'escadron avec une confusion fréquente entre escadron (unité tactique) et compagnie (unité administrative) pour des raisons de coûts.

Les unités plus importantes (division, corps d'armée) apparaissent plus tard, à la fin du XVIIIe et avec Napoléon. Certains auteurs du XIXe et du XXe peuvent employer ces termes pour désigner des fractions importantes d'une armée (aile, avant-garde ou arrière garde) ou de petites armées.

Les auteurs militaires du XVIII et du XIX (Guibert Eléments de tactique, Lewal Etudes de guerre) peuvent apporter des éclaircissements aussi bien que le dictionnaire de l'Académie qui comptait des hommes de l'art parmi ses rédacteurs.

En souhaitant que cela éclaircisse vos idées pour cette nouvelle année.

NAIF a dit…

PS:
Un truc pour vos tableaux Latex: utiliser le package array et créer vos tableaux avec des commandes du style
\begin{tabular}{||m{2cm}|m{1.5cm}|m{1.5cm}|m{1.5cm}|m{1.5cm}|m{1.5cm}|m{1.5cm}|m{1.5cm}|m{1.5cm}||}
\hline
\hline
\end{tabular}

Vous fixez la largeur de vos colonnes et vous passez automatiquement à la ligne dans les cases.

la Souris des archives a dit…

Merci beaucoup ! Cela rejoint un peu l'organisation à laquelle j'étais arrivée; mais il faudrait que je croise vos références avec les études sur les corps d'élite (qui sont ceux qui m'intéressent, mais pas pour leur organisation en soi, j'ai surtout besoin de savoir combien d'hommes cela fait sans oublier le personnel annexe aux troupes comme les chirurgiens et les fourriers).
Bref, je m'en suis sortie (ou devrais pouvoir m'en sortir dans les prochaines séances de travail, je ne sais quand, rentrée oblige).

Pour le package array, je l'utilise de temps en temps, cela dépend de la taille des tableaux que je dois fabriquer. Mais en bonne étourdie, j'ai souvent le chic pour oublier une accolade ou un hline, alors, forcément ça marche moins bien tant que je n'ai pas compris mes erreurs... Merci encore! (LaTex vaincra, Artémise peut témoigner, grâce à notre dernière conversation sur le sujet)

NAIF a dit…

Avec les unités d'élite, vous avez une chance: vous devriez pouvoir trouver des édits assez précis, et il est vraisemblable que leurs commandants respectaient les prescriptions en matière d'organisation et d'effectifs.

Sur l'environnement, il faut prendre en compte la maison personnelle des officiers voire de la troupe dans ces unités. Le chirurgien peut très bien être celui du commandant de la compagnie ou du régiment.

Il y a aussi un aspect souvent oublié: le cheval. Cet animal est absolument nécessaire et exige plus de soins que l'homme, d'où maréchaux-ferrants etc... Dans une unité de cavalerie ou montée (mousquetaires et dragons), il faut compter nettement plus d'un cheval par homme avec tout ce que cela implique pour le fourrage.

D'autres points de détails ont également un rôle important: le cantonnement puisque jusqu'au XVIIIe il n'y a pas de casernes mais éventuellement des écuries, le port d'uniformes qui apparaît au XVIIe et implique des liens avec des tailleurs et des financements particuliers. Comme littérature générale sur les questions ancillaires vous pouvez consulter le premier chapitre de Supplying war, logistics from Wallenstein to Patton de Martin Van Creveld, professeur à l'université de Jérusalem. C'est une des premières études générales sur ces questions.

la Souris des archives a dit…

Eh bien bizarrement, il y a très peu de textes réglementaires sur ces corps. Et pourtant j'ai fait une recension je crois vraiment exhaustive en remontant très très en amont du 17e siècle. La grande ordonnance de référence est celle de 1667. Il va falloir que je me fasse une séance à la BnF sur le sujet. Merci pour ces références en tout cas.

NAIF a dit…

Comme le sujet m'intéresse, j'ai trouvé ces quelques liens sur Gallica.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k503911b

ou
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9000884r

Sinon vous avez aussi cela en source plus secondaire sur tout ce qui est infanterie
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5492318s
(En fin de volume, le chapitre XIV vous intéressera sûrement, malheureusement les sources primaires ne sont pas précisées, même si le travail est sérieux). Le tome suivant est entièrement consacré au règne de Louis XIV.

Il doit y avoir la même chose pour la cavalerie.

Mécène a dit…

Toc, toc ? ^^
Bonne année à vous et bonne chance pour la fin de votre thèse !

Cordialement.

la Souris des archives a dit…

Merci et bonne année, Mécène ! Avec beaucoup de retard, j'ai honte ! Vous êtes le Mécène de Passion histoire?

Mécène a dit…

Oui, oui, je vous ai contactée récemment par e-mail.