Et puis, profitant de passer devant une librairie, je me suis dit qu'un saut ne me coûtait rien. Non, je ne l'ai pas acheté. J'ai juste eu envie de conseiller au librairie de ranger cette horreur dans le rayon des ouvrages humoristiques. Parce que Teulé y va fort, il enfile les perles, à croire qu'il veut se reconvertir. Remarquez, il vaudrait mieux.
Au début on se dit que Teulé veut nous faire un remake des Barbouzes :
- Comment pouvez-vous venir me réclamer la mort de mon principal conseiller qui déjà hier matin, sortant du Louvre, fut arquebusé dans la rue par un tueur caché derrière du linge séchant à une fenêtre ?.. Il n'est que blessé. Ambroise Paré dit qu'il s'en tirera et je m'en réjouis.Comme dit l'adage, plus c'est gros et plus ça passe. Z'ont merdé avec le coup d'essai alors ils viennent demander l'accord du patron pour y aller plus fort. C'est naturel. Logique.
- Pas nous, répond une voix de matrone au fort accent italien. D'autant que c'est ton jeune frère et moi qui avions commandité l'attentat.
- Quoi ? !
Le garçon, d'un naturel aimable et ayant de bonnes dispositions, n'en revient pas. Sous un bouquet de duvet de cygne à sa toque, il tourne lentement la tête vers les six personnages assis côte à côte devant lui. L'un d'eux, vieux gentilhomme vêtu d'une jupe de damas cramoisi, regrette :
- Sire, le seigneur de Maurevert, tueur professionnel mais mal habitué aux armes à feu, voulait faire ça à l'arbalète. Pour plus de sûreté, nous lui avons imposé l'arquebuse. Mal nous en a pris. Au moment du tir, Coligny s'est penché pour réajuster sa mule. Maurevert a manqué sa cible.
On ne doit pas avoir la même logique, Teulé et moi.
Tout y est pour le comique: Catherine de Médicis avec un fort accent italien, elle qui, en France depuis l'âge de 17 ans, se faisait une fierté d'imiter à la perfection les vendeuses de poisson de la place Maubert. Qu'importe ici elle roule les "r" (enfin euh comme les Français à l'époque). Mais alors "la Mamma", j'ai failli ne pas m'en remettre. Dans la même série, notre bonne Italienne se plaint de quoi? Mais de la chaleur à Paris le soir, évidemment ! Et comme le lecteur est un peu imbécile sur les bords, il faut bien enfoncer le clou: ce pov' Charly c'est pas qu'il est crétin, non, c'est juste un gamin. La preuve, ce sont ses haut-de-chausses bouffants et à la mode qui nous l'apportent :
descendant à mi-cuisse, sa "trousse" bouffante ressemble à une couche-culotte
(j'ai cru défaillir en voyant un haut-de-chausse comparé à une couche culotte.) Mais oui bon sang mais c'est bien sûr! C'est la faute à l'hérédité de la Couronne, un gamin sur le trône et c'est la cause de tous nos malheurs.
Et last but not least, le futur Henri III est un inverti, raison pour laquelle il apparaît en "putain fardée" (ce n'est pas moi, c'est Teulé qui ose tout), mais voyez-vous ce sont ses goûts, déclare sa mère.
Là, je crois que même Catherine Hermary-Vieille est battue à plates coutures. J'avais tenté de lire "Un amour fou" où elle faisait de Jeanne, mère de l'empereur Charles Quint et dite la Folle une nymphomane obsédée par son mari. Pourquoi pas. Tant qu'on rigole.
Ce qui me chiffonne, c'est que l'auteur doit être sérieux. Ou prétend l'être en écrivant ce... hum. Cette chose. Et qu'il va être cru. C'est gentil Monsieur Teulé de nous préparer des cohortes d'étudiants (avec des tas d'idées reçues) que l'on va pouvoir continuer de menacer du gibet de Montfaucon (j'aime leur tête quand je leur annonce cela) s'ils sortent une seule, je dis bien UNE SEULE de ces horreurs.
Excusez-moi, je vais vomir et je reviens.
Des extraits de cette daube (pardon pour ce délicieux plat de la cuisine dite bourgeoise) sont disponibles là sur le site de l'Express notamment.
Note plus plus tard: quand je serai à la retraite ou alors après la thèse, penser à se recycler dans l'écriture de romans historiques. Je sais une chose, c'est que même sans talent d'écriture, y'a moyen de se faire de la thune facilement. Je pourrai enfin avoir de plus grosses rémunérations que mon mari. Et pourtant ce n'est pas gagné.
7 commentaires:
Ouf! J'ai argumenté de mémoire, n'ayant pas ma bibliothèque avec moi, et j'avais peur d'avoir dit des bêtises, ne pouvant me vérifier.
J'avais envie de vous envoyer un petit mot pour attirer votre attention sur cette daube (c'est aussi le mot qui me vient spontanément à l'esprit), mais je n'ai pas osé, pensant que vous étiez sans doute trop occupée. C'est dire si j'ai été ravie de lire ce billet!
Je n'ai pas trop su si je devais rire ou pleurer à propos de la Mamma et des couche-culottes. Le chapitre où Charles IX fabrique de la fausse monnaie (si si!) m'a aussi laissée hébétée.
J'avoue ne pas avoir eu le courage d'aller jusque là. J'ai feuilleté en librairie, eu la nausée (même au figuré c'est désagréable ;-) ) et suis partie presque en courant !
Dire que ça aurait pu être drôle mais il en fait de trop, ça devient juste ridicule.
Même en restant sérieux on peut être captivant et émouvant. Il y a de si belles choses à dire et à raconter sur le XVIe siècle... Un jour par exemple, Catherine de Médicis entrant sans frapper chez son fils, Henri III, trouva sa belle-fille la reine simplement sur les genoux de son mari, ils profitaient d'un petit moment de tranquillité...
Au lieu de nous évoquer la beauté de cette fin de siècle et la manière dont la Renaissance a donné naissance aux violences des guerres de religion (comme vous le faites avec ce roman sur la paix de Saint-Germain), ce ne sont que des jugements, des moqueries, des bêtises affligeantes.
Pauvre Clio !
Bonjour,
Merci pour cette mise au point sur l'ouvrage... C'est désespérant ! Des années de recherches sur Charles IX, Michel de l'Hospital et sa mère Catherine de Médicis... et malgré tout, toujours la même légende noire qui court depuis des siècles. Pour ceux qui désirent lire une toute autre peinture de Charles IX et de sa mère, la recherche la plus récente (elle a bientôt 20 ans tout de même) parle d'un "règne d'amour", d'une recherche de la paix incessante de la part de la reine mère,de la liberté de conscience accordée aux protestants (certes limitée par une liberté de culte restreinte), des édits de pacification multipliés, des commissaires envoyés dans les provinces pour faire la paix etc... Bref, on ne peut que renvoyer les lecteurs aux travaux de Denis Crouzet sur Catherine de Médicis ou d'Olivier Christin sur les paix de religion.
Cordialement,
J. Foa
Très intéressant compte-rendu ! Dire que Le canard enchaîné en a fait l'éloge !
Je me demande si ce n'est pas l'effet "Reine Margot" de Patrick Chéreau, ce livre. La version filmique du roman de Dumas démolit tout autant la moindre vérité historique (+ le roman d'ailleurs). Il s'agissait à l'époque de fabriquer un vidéo clip gothique destiné aux amateurs de dentelles à la sauce morbide (comme le look de Madonna des années 80). Ce garcon a du être très impressionné. Les quadras ont ete tres seduit par ce film et en rien choqués par les stupidités qui y défilent du début à la fin pour qui connaît un minimum l'histoire réelle et l'histoire fictive.
Malheureusement avec l'avènement de l'ignorance élevée au rang de vertu (Chéreau aurait commandé aux acteurs de ne surtout RIEN lire d'historique sur leur rôle), voilà que la littérature est gagnée par ce courant abêtissant.
Oui, il y a tellement de choses à raconter sur le XVIe siècle (ce que je fais tout le temps) rien qu'en piochant dans toutes les informations qui existent et qui sont si peu rendues publiques !
Je me suis permis de vous citer ainsi que Marie dans un billet que je viens moi-même de publier sur le sujet. J'espère que vous ne m'en voudrez pas.
Non, pas du tout, et au contraire, merci ! Autant que les lecteurs soient prévenus ! ;-)
Comme un réseau social dédié aux livres a critiqué mon billet sur Charly, j'en ai publié un second où j'analyse un extrait de la prose teulienne. Comme votre envie m'intéresse beaucoup, je voulais vous en informer.
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