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Une envie de livres ?

12/08/2009

Un petit air d'élégance surannée ?

Je suis tombée il y a quelques jours sur cette lettre d'un seigneur du début du XVIIe siècle, un seigneur fort important, puisqu'il s'agit du duc d'Épernon, ancien fidèle d'Henri III - un de ses "mignons" dont le sens a été expliqué par Nicolas Le Roux et ne renvoit en aucune façon à une quelconque homosexualité, voir N. Le Roux, La faveur du roi, mignons et courtisans au temps des derniers Valois, (site Champ Vallon) Paris, Champ Vallon, 2001 - avant de devenir après la fin des guerres civiles, un fidèle de Marie de Médicis.Regardez comme il est fier notre Épernon, ici... Peinture à l'huile, anonyme, 17e s., Musée de Versailles, 32 x 22 cm.

J'ai cédé à la tentation et relevé ce texte, alors qu'il ne concerne pas mon sujet d'étude, simplement à cause de la beauté de cette langue du début du XVIIe siècle et aussi parce que c'est un très bel exemple des relations de "clientélisme" qui liaient entre elles les élites de ce temps.
Pour faire court, ce terme désigne une pratique existant déjà dans la Rome antique républicaine, qui consiste dans la protection et l'aide qu'accorde un puissant et fortuné personnage à de nombreuses "clients" en réalité, des personnages moins haut placés, moins riches. Celles-ci peuvent espérer une carrière avantageuse et une fortune qui élevera leur famille ou la maintiendra au moins. En retour, le puissant personnage dispose de relais et d'appuis dans divers métiers, diverses provinces, ce qui lui permet de posséder un pouvoir sur des portions plus ou moins importantes du royaume, pour prendre le cas français. Ici le duc d'Épernon s'adresse au duc de Montmorency, un des chefs de file du parti des "modérés" ou Politiques, favorables, pour aller, vite, pendant les guerres de religion à un rapprochement entre catholiques et protestants. Notons que le sens du terme "clientélisme" est aujourd'hui beaucoup plus négatif.

J'ai travaillé dans le passé sur ce genre de lettre, je raffole toujours autant des correspondances, et je vous livre ce petit bonheur en toutes lettres...

"Monsieur,

Je ne veux point faire ce tort à mon devoir ni à mon affection que d'en laisser aller le présent porteur sans l'accompagner de celle-ci [cette lettre], qui sera non pour faire récit de ce qui se passe en cette armée d'autant que je me remets à la suffisance du porteur qui en est amplement informé pour vous en dire toutes nouvelles; mais plutôt pour me remémorer en l'honneur de vos bonnes grâces, auxquelles je vous supplie, Monsieur, de me conserver toujours et autant que je désire m'en rendre digne par toutes sortes de services dont je me pourrai adviser. J'espère de n'être si longtemps par deçà que je n'aie ce bien de vous voir dans peu de jours, qui me gardera de vous ennuyer de plus longue lettre. Demeurant jusqu'à ma fin, après vous avoir bien humblement baisé les mains, Monsieur, votre plus obéissant etc."
Lettre d'Épernon au duc de Montmorency, du 20 mars 1597.
À Montdidier.
BnF, Mss. Fr. 20505. fol 42.

Version originale :
Monsieur, Je ne veulx point faire ce tort va mon debvoir ny a mon affection que d'en laisser aller le present porteur sans l'accompaigner de cestecy, qui sera non pour faire aulcung recit de ce qui se passe en ceste armée d'aultant que je me remetz a la suffisance de ced. porteur qui en est amplement informé pour vous en dire toutes nouvelles. Mais plustot pour me rememorer en l'honneur de vos bonnes graces, ausquelles je vous supplye Monsieur de me conserver tousjours et aultant que je desire m'en rendre digne par toutes sortes de services dont je me pourrai adviser. J'espère de n'estre si longtemps par deça que je n'aye ce bien de vous voir dans peu de jours qui me gardera de vous ennuyer de plus longue lettre demeurant jusqu'à ma fin, apres vous avoir bien humblement baisé les mains, Monsieur, votre plus obeissant etc.
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