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Une envie de livres ?

17/08/2010

L'historien, cet ogre


L'écoute de l'émission L'histoire et moi, de samedi dernier (14 /08/10) rappelait à quel point l'histoire est une science humaine. Cette émission évoquait les cadeaux reçus par Maurice Thorez durant les années 30 et 40 notamment. Oui, évidemment, on peut hausser les épaules, on travaille sur l'humain, pas tout à fait comme des chirurgiens mais enfin... il y a de l'idée. Ce qui est particulier en histoire du XXe siècle, c'est que l'on a un contact humain direct avec les hommes et femmes qui ont vécu et fait l'histoire. Ici, A. Wieworka échangeait avec la fille d'un fusillé, mort en 1942. Échange douloureux, qui a fait monter les larmes aux yeux de cette fille de déporté. L'historien, un travailleur de l'humanité? Banalité pour les chercheurs de contemporaine, un peu moins pour ceux qui n'ont plus que les objets ou les monuments pour aborder l'histoire. C'est peut-être une banalité mais sans cette dimension humaine, de compassion, de sensibilité, l'on prend le risque d'une histoire aride, déshumanisée, me semble-t-il.

C'est probablement une des plus belles choses de ce métier d'historien: se vouer à l'humain, à la souffrance, aux bonheurs, aux hommes et aux femmes, aux enfants et aux vieillards. Rien n'échappe à la quête d'humanité de l'historien. Selon la belle expression de Marc Bloch : « Le bon historien ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier » (BLOCH Marc, Apologie pour l'histoire ou métier d'historien, Paris, Colin, 1999.)

Oui mais un ogre sensible, s'il vous plaît, qui sait s'émouvoir. C'est cette émotion que l'on retrouve sous la plume d'Arlette Farge dans ses études sur le monde de la justice au XVIIIe siècle, par exemple.

Pour en revenir à l'émission, sa présentation insiste sur la dimension de "petite histoire", par opposition à la grande. Mais quelle petite histoire, quelle grande histoire? Ces mots n'ont en réalité aucun sens, depuis au moins la révolution historiographique des Annales. Ces mots ne servent qu'à attirer le chaland, et c'est dommage. C'est la part des affects qui peut faire écrire une petite histoire où l'anecdote et le sensationnel prennent le dessus sur l'effort nécessaire . C'est ce dernier qui nous fait tenter de comprendre et nous fait essayer de démêler l'écheveau des sensibilités, des évènements, des histoires individuelles.

Il faut donc rire et pleurer avec les humains que nous rencontrons, ne jamais laisser l'humanité passer au second plan au profit de la technique seule. Quand on voit le bon regard de Marc Bloch, il est difficile de l'oublier.
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3 commentaires:

Marianne Desroziers a dit…

Comme toi, j'écoute beaucoup France Inter (notamment les deux Guillaume) et l'émission dont tu parles est une des meilleures de la grille d'été, parce qu'elle mélange grande et petite histoire et mêle parole d'historien et parole d'anonyme. Grâce à ton blog, je garde un pied dans les sciences humaines (j'ai fait un D.E.A. de socio)et c'est bien agréable.

la Souris des archives a dit…

France Inter est aussi une de ma radio préférée pour suivre les auteurs contemporains (ou pas) avec Brigitte Kernel. J'étais littéralement fanatique de son émission "Un été d'écrivain", devenue "Partir avec..."

Pour mon blog, merci ! C'est exactement mon but, permettre à chacun de goûter l'histoire, même quand ce n'est pas son métier... Mais moi je suis preneuse de quelques classiques de sociologie! Je n'en ai jamais fait en soi durant mes études, depuis le lycée, mais je ne sais pas par quel ouvrage commencer...

Marianne Desroziers a dit…

Aujourd'hui j'avais envie de parler de Griselidis Real mais demain sur mon blog, je mettrais en lumière un classique de la sociologie lisible et intéressant (si, si, ça existe). Je prépare aussi un papier sur "Le masque et la plume", émission culte.